Le président algérien a proposé à son peuple de voter une amnistie générale des crimes commis pendant la "sale guerre". Les ONG ainsi que les familles des victimes réagissent. À la veille de la proposition au vote de l'amnistie générale qui sera faite par le président de la République algérienne, Abdelaziz Bouteflika, plusieurs ONG ont collaboré à la préparation d'un rapport sur «les disparitions forcées et les enlèvements suivis de séquestrations», dont une copie a envoyée le 25 février dernier au président algérien. Parmi les mouvements ayant participé à l'élaboration de ce rapport, Justicia Universalis cite l'association Somoud, ANFD (Association nationale des familles des disparus) et les associations de Constantine, d'Oran, de Relizane, Sétif, ainsi que des associations représentant les familles de disparus et de personnes enlevées. 25 recommandations ont été formulées au magistrat suprême, ajoute la déclaration de Justicia Universalis. La position que dégage ce rapport, c'est qu'il ne peut y avoir d'amnistie, sans que quelques conditions ne soient posées. Concernant ces conditions, l'exclusion du caractère imprescriptible des crimes contre l'Humanité de l'amnistie générale figure en premier rang. Il y a aussi la garantie de la vérité sur le sort des victimes et l'identification des personnes enterrées non identifiées. Ainsi que la garantie de la justice quant à ces crimes contre l'Humanité, dont les disparitions forcées et les enlèvements, séquestrations et assassinats, quels qu'en soient les auteurs. Ces associations ont déjà constitué 8 000 dossiers. Ces dossiers concernent 8 000 personnes, des hommes principalement, dont les familles ignorent le sort depuis leur arrestation. Selon la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme, le nombre réel des victimes pourrait être deux fois supérieur. Les auteurs de ces disparitions sont, pour la plupart, des agents des forces de sécurité ou des membres des groupes d'autodéfense villageois, armés par les militaires. Aux pires heures du conflit, l'armée utilisa, arbitrairement, des moyens ignobles pour terroriser la population. En 2001, le gouvernement algérien a fini par reconnaître la réalité des disparitions. Mais Mustapha Farouk Ksentini, à la tête d'une commission gouvernementale sur les disparitions, dite "mécanisme ad hoc", a affirmé que les 6 000 disparitions recensées par sa commission sont le fait d'agents isolés de l'Etat. Cependant, des enquêtes indépendantes et de nombreux témoignages de militaires réfugiés en Europe ne laissent aucun doute. Les disparitions, les assassinats ciblés ou les massacres en masse furent ordonnés par des services de l'armée qui ont fait porter le chapeau à des "groupes armés". Dans un article paru dans le journal français “Le Monde”, Nassera Dutour, porte-parole du Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie, a précisé que le collectif ne se résignera pas. Les membres du collectif continueront sans relâche à être présents sur la place Addis-Abeba d'Alger et dans toutes les villes du pays. « Aujourd'hui, le peuple algérien est mûr pour regarder en face les parts d'ombre de son histoire: celle d'un mode d'exercice du pouvoir par la terreur, de la dictature du parti unique, de la "sale guerre", de la violence intégriste et de la violence d'Etat » ajoute-t-elle. « Nous ne réclamons pas vengeance, nous exigeons le droit de savoir la vérité sur le sort de nos proches, d'entendre les jugements d'une justice indépendante et impartiale. Comme disent les mères chiliennes: "Nous ne pouvons pas pardonner si on ne nous demande pas pardon. " Après, il sera temps d'envisager sereinement l'avenir d'une Algérie réconciliée avec elle-même » a-t-elle déclaré.