Le plan gouvernemental de repositionnement de la BNDE n'est en fait qu'une opération de sauvetage d'une banque d'État dont les finances furent mises à rude épreuve et une stratégie de camouflage des turpitudes de cette institution. Le gouvernement a fait preuve d'une célérité remarquable dans le traitement du dossier complexe de la BNDE (Banque nationale de développement économique). Un communiqué de la primature daté du samedi 8 mars fait état des grandes lignes du plan retenu par les pouvoirs publics pour sauver cette institution financière publique. Officiellement, l'opération de sauvetage consiste en la transformation de la BNDE en banque d'affaires, adossée à la CDG (Caisse de dépôt et de gestion) et d'autre part à transférer son activité commerciale à la CNCA (Caisse nationale du crédit agricole). Le communique qualifie ce plan d'opération équilibrée, conçue pour renforcer le rôle du secteur bancaire dans le financement du développement économique du Maroc tout en limitant le coût pour la collectivité nationale. En termes clairs, cela veut dire que la solution privilégiée par le gouvernement évite à celui-ci de devoir renflouer les caisses exsangues de la BNDE. Souvenez-vous, le CIH (Crédit hôtelier et immobilier) n'a dû son salut qu'à l'intervention sonnante et trébuchante en 1998 du gouvernement Youssoufi. À y regarder de plus près, le cabinet Jettou a trouvé l'astuce pour ne pas répéter le scénario CIH avec la BNDE. Une méthode soft qui lui permet non seulement d'économiser des fonds importants mais aussi de soustraire la BNDE à une éventuelle commission d'enquête parlementaire comme ce fut le cas pour le CIH. C'est ce qui s'appelle couper l'herbe sous les pieds des curieux qui aiment “fouiner“ dans les affaires des autres. Au final, on a évité un scandale de plus à la collectivité, à l'opinion nationale et à la Cour spéciale de justice. Ainsi, les fossoyeurs de la BNDE ne seront jamais inquiétés. Finement joué. Cependant, les concepteurs du plan de sauvetage de la BNDE, pour visionnaires qu'ils soient, n'ont pas révélé le montant du manque à gagner de la banque et l'étendu de son passif, encore moins les raisons qui ont conduit cet établissement à la quasi-faillite où il se trouve. Le communiqué de la primature s'est contenté de faire état de la détermination du gouvernement à tout mettre en œuvre pour le recouvrement des créances contentieuses afin de préserver les intérêts de l'État, des autres actionnaires et des créanciers de la BNDE. En attendant de faire payer les mauvais payeurs, c'est la CDG, banque d'État dont la trésorerie est florissante, qui est chargée de couvrir les turpitudes financières de sa consœur dont elle est du reste l'actionnaire de référence. Quant à la CNCA, autre banque d'État dont les deniers furent dilapidés sous couvert de prêts, elle a été appelée à la rescousse pour acquérir le réseau commercial de la BNDE. Belle opération de solidarité bancaire entre collègues naviguant dans le même giron. En un mot, la BNDE a été transformée en banque d'affaires pour masquer les affaires de la banque. La BNDE est morte, vivent les affaires.