La Banque nationale pour le développement économique (BNDE) est rattrapée par son passé. L'interpellation récente de son ex-P-dg Farid Dellero laisse présager l'éclatement d'une nouvelle affaire, similaire à celle du CIH. L'interpellation de M. Dellero contrarie les plans du Premier ministre qui a récemment favorisé l'absorption de la BNDE par deux banques d'Etat, la CDG et la CNCA. Objectif inavoué : étouffer dans l'œuf l'éclatement d'un scandale financier de plus. Le tour de magie voulu par Driss Jettou concernant l'épineux problème de la Banque nationale pour le développement Economique (BNDE) n'a pas réussi à faire complètement disparaître ce dossier. Sur instruction du ministère des Finances, plus précisément l'Inspection générale des Finances (IGF), le dossier BNDE a été transmis au ministère de la Justice. À son tour, ce dernier l'a adressé à la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ). Le rapport d'inspection a mis à jour les différentes malversations et dilapidations des deniers publics, derrière la faillite, non avouée, de la banque publique. De source bien informée, grande fut la surprise des inspecteurs des Finances de découvrir le système ayant mené la banque droit vers sa faillite. Son ex P-dg, Farid Dellero, est soupçonné d'avoir encouragé ce système de malversations qui favorise, le plus souvent la spéculation foncière. Le rapport IGF fait ressortir les implications derrière les fausses sociétés immobilières, plus connues sous le label Sociétés civiles immobilières. Concrètement, un réseau bien structuré, à caractère plutôt familial selon certaines sources internes à la BNDE, autour de la présidence, procédait à l'acquisition de nouvelles entités. Ensuite, une autre transaction portait sur la vente du bien acquis, le plus fréquemment de nouvelles agences, grâce à la précieuse aide des notaires membres du réseau…à la BNDE.Entre le prix de l'acquisition et celui de la rétrocession, les intermédiaires se servaient généreusement…Au détriment de la banque publique ! De l'aveu même d'un ex-haut cadre, les pratiques étaient bien connues, mais les degrés d'implications et de complicités étaient tels qu'aucun membre ne pouvait parler de ces agissements. Les dossiers de crédits accordés sans aucune garantie, sont légion. « J'ai même dû opposer mon veto à la signature de la dernière note d'information au sujet d'une émission obligataire non garantie par l'Etat. Le faire me rendait complice des faux bilans, convenablement validés par l'ensemble de la chaîne : ministère de tutelle, commissaires aux comptes et autorité de contrôle, le CDVM », affirme l'ex-resposnable sous couvert de l'anonymat. Les dilapidations et les malversations ont aussi été relevées au niveau des filiales de la BNDE. Banque d'investissement pour le moyen et long terme par excellence, dont la vocation première était de concourir au développement économique du Maroc notamment par le biais du financement du secteur industriel, la BNDE est à l'origine d'un parc industriel des plus nobles au Maroc. Celluloses, les Ciments du Maroc, Air Liquide Maroc, Carnaud, Péchiney… et autres entreprises florissantes sont toujours utiles pour se trouver des liquidités. Là aussi, le rapport IGF a relevé un nombre important de détournements. La justice est appelée à statuer. Le manque de visibilité quant aux orientations stratégiques de la banque, le non-aboutissement du projet de fusion avec la BMAO qui a contraint la BNDE à allouer une dotation aux provisions de 391 millions de DH, sa recapitalisation non consentie et de l'avenir de ses participations, sont autant de questions auxquelles l'ex-staff aura à répondre. Exécutée par l'argentier, Fathallah Oualalou, la vision du Premier ministre Driss Jettou n'a assurément pas facilité le traitement du dossier. Le ministre des Finances trouvait le traitement du dossier plutôt une solution « élégante ». Par contre, l'affaire BNDE pourrait, dans les faits, faire oublier celle du CIH. Le Conseil d'administration de la BNDE, tenu le 6 mars 2003, a confirmé la décision prise par l'Etat et la Caisse de Dépôt et de Gestion, actionnaires majoritaires de cette banque de " l'éclater " en transférant l'activité de réseau de la BNDE à la Caisse Nationale de Crédit Agricole, CNCA, et en adossant le siège de la banque publique à la CDG qui en fera sa banque d'affaires. À cette époque, la BNDE se trouvait en état de faillite et il fallait bien lui élaborer un plan de sauvetage qui ne ruine pas le système bancaire. Ses fonds propres sont passés de 1,25 milliard de dirhams en 2000 à seulement 63,7 millions de dirhams en 2001 suite à un déficit de 1,187 milliard de dirhams et à des provisions passées pour pertes sur créances irrécupérables. Au premier semestre 2002, la situation de la BNDE s'est encore aggravée avec une baisse du résultat net de 49 % par rapport au premier semestre 2001, sachant que ce résultat n'est pas consolidé, c'est-à-dire qu'il ne tient pas compte des résultats des autres sociétés-filiales de la BNDE. Il faut également rappeler que la BMCE avait offert de privatiser la BNDE à 325 dh, tandis que les caisses d'épargne andalouses avaient offert 190 Dh l'action il n'y a pas si longtemps, sans oublier le groupe saoudien Dallah Al Baraka qui ne sait pas laisser prendre au piège ! Pour une fois, ce prestigieux groupe échappe à une arnaque bien ficelée.