Nous sommes face à une véritable entourloupe. Les Haddouchi, Kettani et autres Fizazi n'ont pas été jugés par un tribunal d'ouléma pour hérésie. Ils ont été jugés et condamnés pour incitation au crime. Le problème est éminement politique, nullement religieux. Depuis quelques semaines, le Maroc vit une pernicieuse campagne visant à effacer le 16 mai et ses effets. Cette campagne concerne les idéologues de la Salafiya Jihadia. Eux-mêmes tentent d'alerter l'opinion publique nationale et surtout internationale au nom d'un référentiel qu'ils déclaraient impie. Jugez-en, c'est au nom de l'Etat de droit, des droits de l'Homme qu'ils réclament leur libération. Leur argumentaire s'arc-boute autour du droit positif et des valeurs humanistes, alors même qu'ils considéraient ces lois comme impies et ces valeurs comme contraires aux lois divines. A l'extérieur, ils sont relayés par les intégristes de tout poil. Raissouni avait proposé ses services pour entamer un dialogue il y a quelques mois. Il avait précisé qu'il n'acceptait d'aller au charbon que s'il «avait des garanties fermes». Yatim, l'idéologue des ténèbres, renouvelle la proposition. Sur ce magma se greffe un haut fonctionnaire. Ahmed Abbadi est directeur au ministère des Affaires islamiques, c'est aussi un ancien cadre du parti intégriste. Il propose lui aussi un dialogue avec les théoriciens de la Salafiya Jihadia et entame même le débat en réconciliant la théologie officielle avec Inb Taymia. Ce monsieur est directeur des Affaires islamiques, il a en charge le dossier du remodelage du champ religieux. De quoi avoir des sueurs froides ! Nous sommes face à une véritable entourloupe. Les Haddouchi, Kettani et autres Fizazi n'ont pas été jugés par un tribunal d'ouléma pour hérésie. Ils ont été jugés et condamnés pour incitation au crime. Le problème est éminement politique, nullement religieux. Laânigri n'a pas mené une inquisition, mais une enquête policière anti-terroriste. Resituer le problème au niveau d'un débat théologique entre doctes est une arnaque; que cautionne un haut fonctionnaire en charge d'un poste des plus sensibles. Le seul débat qui mériterait d'avoir lieu est celui qui concerne les valeurs de la démocratie. Celles-ci permettent-elles la propagation de la haine, du racisme, de l'incitation au meurtre, d'appel au Jihad ? Assurément non ! Les théoriciens du PJD n'ont jamais osé affronter ceux de la Salafiya Jihadia quand ceux-ci étaient devenus les coqueluches d'une certaine presse. Aujourd'hui, ils veulent sous-traiter le dialogue, pourquoi ? N'est-il pas permis d'y voir une nouvelle tentative d'imposer un magistère religieux, par la bande ? La loi anti-terroriste a permis de clarifier une chose fondamentale. Certaines positions ne sont pas des opinions mais des délits. La Salafiya Jihadia, parce qu'elle prône la violence, qu'elle refuse les mécanismes démocratiques, qu'elles rejette toute l'organisation socio-politique, est hors champ démocratique. Point. Maintenant, si des détenus estiment qu'ils n'ont pas eu un procès équitable, ce qui est le cas apparemment, ils peuvent choisir les moyens de défendre leurs droits. Dans le cas d'espèce, les recours judiciaires sont épuisés. Leur reste une solution : demander la grâce royale, et donc reconnaître le Monarque dans toutes ses fonctions, y compris celle d'autorité religieuse, non pas suprême mais unique. La grâce royale n'a pas besoin de considérants. C'est une prérogative constitutionnelle indiscutable du chef de l'Etat. En dehors, s'il y a des gens pour estimer que la Salafiya Jihadia a sa place dans le jeu politique, qu'ils l'expriment clairement. Ibn Taymia n'a rien à voir dans l'Histoire. Si Raissouni ou Abbadi veulent débattre à n'en plus finir avec qui ils veulent, c'est leur droit. Présenter ces causeries amicales comme la panacée face au terrorisme est un dol. Les victimes du 16 mai, les citoyens assassinés ici et là, les policiers abattus ont perdu la vie parce que la «pensée jihadiste» a armé le bras de salauds. Proposer aujourd'hui un dialogue avec les mentors, c'est insulter la mémoire de nos martyrs. Que le directeur des Affaires islamiques le fasse est révoltant. Ceux qui l'ont mis là où il est feraient bien de se rendre compte qu'il y a des récupérations qui se transforment en infiltration. Semer le doute sur l'inflexibilité de l'Etat face à l'intolérable peut être fatal.