Ils s'appellent Moussaoui, El Motassadeq, Tabarak et autres. Ils ont fait l'Afghanistan, pris le maquis pour succomber, enfin, à la tentation terroriste. Aujourd'hui, ils sont prisonniers à Guantanamo, dans les geôles européennes ou marocaines, et ils devraient répondre de leurs actes et du degré de leur implication dans l'internationale terroriste. Parfois, ils font aussi les frais des dérapages de la lutte contre les réseaux terroristes. Depuis les attentats du 11 septembre, la liste des Marocains soupçonnés d'avoir un lien étroit avec l'organisation d'Al Qaïda ne cesse pas d'être fournie. La plupart d'entre eux ont été arrêtés, notamment en Afghanistan, en Europe, au Pakistan, aux Etats-unis et au Maroc. D'autres sont activement recherchés après que leurs noms ont été évoqués lors des interrogatoires des détenus de différentes nationalités, que ce soit à Guantanamo ou dans d'autres pays. L'adhésion assez massive de ces Marocains à la cause de Ben Laden s'est principalement forgée pendant la guerre des Afghans contre l'occupation russe. Beaucoup de Moujahidines marocains sont allés combattre, au nom de l'Islam, en Afghanistan où ils ont été pris en charge dans des camps d'entraînement militaire. Après le retrait des Russes, certains ont regagné le Maroc et d'autres sont devenus des disciplines d'Oussama Ben Laden. Depuis, les services de sécurité marocains ont fiché des centaines d'Afghans marocains et en ont arrêté plusieurs à leur retour, qu'ils ont interrogés avant de les relâcher. Certains d'entre eux se sont recasés, d'autres ont continué dans leur activisme en retournant souvent dans les camps afghans pour revenir au Maroc prêcher le salafisme radical. Plusieurs membres de la Salafia Jihadia ont été impliqués dans des meurtres au Maroc et sont jugés actuellement par les tribunaux. Selon un recensement provisoire, plus de 400 jeunes marocains seraient partis s'entraîner dans les camps de Ben Laden et 150 d'entre eux sont fichés par la police marocaine. Mais il est certain que ces chiffres sont en deçà de la réalité quand on sait que ces «Moujahidines» voyagent en empruntant plusieurs circuits. Il est difficile de poursuivre leurs traces quand ils passent par l'Europe vers l'Asie avant de rejoindre l'Afghanistan. Le démantèlement de la cellule dormante d'Al Qaïda, en mai dernier, composée de Saoudiens mais aussi de Marocains, démontre que ce réseau est bien implanté au Maroc. Les recruteurs ont trouvé le terrain propice pour embrigader des jeunes désœuvrés en faisant prévaloir leur rôle sociétal et psychologique dans un terreau fragile et désorienté. Il en est résulté une ruée incommensurable vers la terre du « Jihad » et de « l'Islam vrai ». Après les attentats de Word Trade Center et les bombardements américains de Tora Bora, plus d'une vingtaine de Marocains ont été arrêtés et transférés à Guantanamo. D'autres seront arrêtés plus tard dans différentes villes européennes notamment à Hambourg, Milan, Paris, Londres et Francfort. Mais le premier détenu soupçonné d'être directement impliqué dans les attentats du 11 septembre a été arrêté aux Etat-Unis bien avant l'attaque des tours jumelles de New York. Il s'agit du Franco-marocain, Zakarias Moussaoui, qui est considéré comme le seul accusé des attentats du 11 septembre. L'administration américaine l'accuse d'être le vingtième pirate de l'air qui a raté son vol à cause de son arrestation. Les seuls soupçons qui pèsent sur lui, c'est qu'il a essayé, comme les kamikazes, de poursuivre des cours de pilotage, qu'il était recherché en France, qu'il a séjourné en Afghanistan et qu'il aurait eu des contacts avec la cellule de Hambourg. Son jugement par un tribunal civil ne cesse pas d'être reporté surtout quand Zakarias a demandé à la cour, cette semaine, de pouvoir interroger un témoin de taille qu'est Ramzi Ben Al Shaiba considéré comme le cerveau de l'opération. Le juge fédéral a accepté cette requête, sauf que l'Administration américaine a opposé un refus catégorique arguant que le témoin risque de divulguer en public des secrets liés à l'instruction. Si le ministère de la Justice n'arrive pas à éviter ce témoignage, il n'est pas exclu que Moussaoui soit traîné devant une juridiction militaire. Donc jugé dans le non-droit autant que l'incarcération des Talibans dans la presqu'île de Guantanamo, ce qui n'honore aucunement ni la justice, ni la démocratie américaines. C'est dans ce bagne inhumain qu'est incarcéré un autre Marocain devenu célèbre pour avoir détourné les services de renseignement américains de la position de Ben Laden lors du bombardement Tora Bora. Il s'agit du propre garde de corps du chef d'Al Qaïda, Abdallah Tabarak, qui a été arrêté, en novembre 2001, dans le massif montagneux en possession du téléphone satellitaire d'Oussama Ben Laden. Les forces américaines qui pistaient son signal croyaient pouvoir capturer Ben Laden mais le Marocain a accepté ce rôle de leurre pour sauver la vie de son chef et devenir ainsi une légende à Guantanamo. Selon les médias américains, des membres des services de sécurité marocains l'auraient rencontré à Guantanamo et l'auraient qualifié d'un fanatique de Ben Laden. Le nom de Tabarak a été évoqué dans le procès de la cellule dormante d'Al Qaida qui se déroule à Casablanca. Lors des dernières audiences, l'accusé saoudien, Zouheir Tabiti, a affirmé qu'il avait connu Abdallah Tabarak en Afghanistan tout en niant savoir que ce dernier était garde du corps de Ben Laden. L'autre présumé terroriste dans la longue liste des Marocains détenus, a été arrêté en Allemagne et est en cours de jugement. Il s'agit de Mounir El Moutassadek qui est accusé d'avoir appartenu à la cellule de Hambourg où siégeait Mohamed Atta considéré comme le leader des 19 kamikazes de 11 septembre. El Moutassadek est accusé de complicité de meurtre dans au moins 3116 cas et le procureur a requis contre lui une peine de 15 ans. Le dernier activiste marocain lié au réseau d'AL Qaida a été arrêté le 5 novembre dernier aux Etats-Unis et porte le nom d'Abdallah El Mardoudi. Selon la police américaine, il serait le chef de la cellule dormante du Detroit qui aurait fourni un soutien matériel et logistique aux pirates de l'air du 11 septembre. Son procès a commencé le 21 janvier 2003 au Michigan en compagnie de deux autres Marocains, Karim Koubriti et Ahmed Hanan. La liste n'est pas exhaustive. Mais ce qui gène aux entournures, c'est que cette implication directe des Marocains dans l'organisation d'Al Qaida, aurait tissé des sources de financement au Maroc. Si l'on croit la liste noire établie par les Américains, deux sociétés implantées au Maroc, dont notamment NASCOTEX SA, seraient dirigées par des Saoudiens qui alimentent les caisses d'Al Qaïda.Ses deux actionnaires, Ahmed Idris Nasreddin et Youssef Nada, auraient fourni des aides directes à la banque Al Taqwa désignée comme financier du terrorisme. Ce qui reste à vérifier. Encore faut-il savoir combien de militants fanatiques de la « vague verte » s'activent au Maroc sous la bannière du fondamentalisme politique, des mouvements clandestins ou des cellules dormantes.