Si le dirigeant ivoirien a convaincu ses partisans de « l'esprit » des accords de Marcoussis, l'avenir politique de la Côte d'Ivoire est loin d'être tracé. Le sommet ouest-africain comme le nouveau Premier ministre se font attendre. Depuis sa nomination, le 25 janvier dernier, Seydou Diarra n'est toujours pas revenu en Côte d'Ivoire. Et pour cause, occupant le poste de premier ministre d'un gouvernement de «réconciliation nationale» encore virtuel, il était directement menacé par les récentes émeutes. Tout comme la présence de rebelles dans l'Exécutif, les «jeunes patriotes» refusaient, en effet, jusque-là l'arrivée de ce Musulman du Nord au pouvoir. Depuis le discours prononcé vendredi soir -après plus de deux semaines de silence- par Laurent Gbagbo, les esprits se seraient-ils apaisés ? M. Diarra, resté à Dakar depuis le 30 janvier après son séjour en France, devait se rendre dimanche dans la capitale ghanéenne où pourrait se tenir le prochain sommet ouest-africain consacré à la crise ivoirienne dès lundi. Réunion qui doit déboucher sur son retour au pays et sur son investiture officielle à la tête d'un nouvel Exécutif… qui pose encore problème. Vendredi dernier, le président Gbagbo a en effet accepté «l'esprit» des accords de Marcoussis tout en les qualifiant de simple «base de travail». Et en refusant un quelconque partage de son pouvoir. «J'accepte et je m'engage dans l'esprit du texte de Marcoussis», a-t-il déclaré, mais «à chaque fois qu'il y aura contradiction, j'appliquerai la Constitution». Que deviennent alors les réformes constitutionnelles justement prévues dans le plan de paix ? Le chef d'Etat a déjà précisé -tout en confirmant sa nomination- que le poste de Seydou Diarra n'était pas «inamovible» et que celui-ci ne pourrait pas former son gouvernement sans son approbation. Conséquence immédiate : «Diarra ne doit pas avoir peur» de rentrer, a lancé samedi le «jeune patriote» en chef Charles Blé Goudé. Celui-là même qui avait poussé ses centaines de compères à envahir les pistes de l'aéroport d'Abidjan, le 31 janvier, jour où le «Premier ministre des Français» devait rentrer… Reste la question des rebelles et l'attribution de certains portefeuilles ministériels qui leur avait été promise à Paris - et qui avait «mis le feu aux poudres» selon M. Gbagbo. D'après Guillaume Soro, secrétaire général du Mouvement patriotique de Côte d'Ivoire, la Défense et de l'Intérieur devaient revenir à son mouvement. Samedi, le MPCI s'est officiellement contenté d'annoncer qu'il ferait «connaître sa réaction officielle» au discours présidentiel, en début de semaine. «Il n'est pas question d'être (simplement) d'accord avec l'esprit des accords, il faut (...) les appliquer à la lettre », a déjà indiqué dimanche le chef des opérations du MPCI, Tuo Fozié. Le sentiment était le même chez les opposants au pouvoir. Le président «ne veut pas des accords de Marcoussis. Il l'a dit clairement», a estimé Aly Coulibaly, porte-parole du Rassemblement des républicains d'Alassane Ouattara. Quant à la France, à l'origine de la table ronde de Marcoussis et du sommet de Paris qui l'avait suivie, elle s'est contentée samedi de «noter», dans un communiqué du Quai d'Orsay, «l'engagement du président Laurent Gbagbo de travailler à l'application de ces accords». Paris «suivra avec vigilance l'application des accords de Marcoussis», a aussi prévenu la diplomatie française face à celui qui s'est défini, vendredi, comme le «dernier rempart» du peuple… Contre qui et quoi ?