M'hamed Sallou, membre du Conseil d'administration de l'IRCAM et directeur du Centre des études artistiques, des expressions littéraires et de la production audiovisuelle (CEALPA) à l'IRCAM, passe en revue les problèmes auxquels est confronté l'institut. Aujour'hui Le Maroc : Pensez-vous que la démission de sept membres de l'IRCAM puisse porter atteinte à l'image de l'Institut amazigh ? M'hamed Sallou : Certainement, la démission de sept membres n'est pas une mince affaire. Ceci pourrait avoir une influence sur le travail et les activités de l'IRCAM qui, comme vous le savez, est un institut jeune et, de ce fait, cette démission massive ne sert pas ses intérêts. Est-ce que cette démission collective a-t-elle donné lieu à une discussion antérieure ? Je ne pense pas, en tous les cas, pas à ma connaissance. Les personnes concernées n'en ont pas discuté avec moi et, comme tout le monde, j'ai été surpris de l'apprendre. Au vu de ces problèmes et des revendications qui s'ensuivent, pensez-vous que les attributions de l'IRCAM doivent être élargies? Les attributions concédées par le dahir portant création et organisation de l'IRCAM sont, à mon avis, très larges. Il faut juste les mettre en pratique. Le dahir donne des spécificités étendues et de larges possibilités, mais le problème est de savoir comment exploiter ces attributions. Qu'en est-il de la généralisation de l'enseignement de l'amazigh ? L'état actuel des choses est désastreux. C'est malheureux et ce n'est pas confortable du tout. Ce volet est caractérisé par une lenteur accablante et l'on a l'impression que ça n'avance pas. Où en est la Commission mixte (IRCAM-ministère de la Communication) ? Quelles sont les propositions faites par la délégation de l'IRCAM au sein de cette commission ? Nous avons établi une stratégie et nous faisons des propositions allant dans le sens de cette stratégie. Nos revendications sont examinées de façon positive et je suis en mesure d'affirmer que nombre d'entre elles passent comme une lettre à la poste en Conseil d'administration. Concernant la télévision, nous sommes en contact avec la deuxième chaîne qui s'est engagée pour l'insertion de programmes amazighs dans son paysage audiovisuel. D'autres projets à vocation amazighe sont en cours avec la première chaîne, parmi lesquels une émission « Rahal », dont l'épisode-pilote est en cours de réalisation. Mais il faut reconnaître que ce sont des initiatives privées, c'est-à-dire que ce sont des sociétés privées de production qui s'attèlent à la tâche. En somme, nous avons trouvé en les chaînes de télévision nationales un interlocuteur sérieux et intentionné. Un programme éducationnel est également prévu pour la quatrième chaîne qui sera bientôt opérationnelle. Nous sommes déjà arrivés à l'unification des dialectes en ce qui concerne le journal télévisé et nous sommes en phase d'appliquer le même concept aux diverses émissions. Quant à la restructuration du paysage audiovisuel public, nous avons formulé des revendications en ce sens et je suppose que, dans le prochain organigramme, l'amazigh sera doté d'une direction ou, à la limite, d'une division. Quel est l'état de la coopération avec les autres ministères ? Avec le ministère de la Culture, cela se passe plutôt bien. Nous avons signé une convention et, pour être franc, nous n'avons pas encore pris d'initiatives car la culture n'est pas encore structurée. De ce fait, on ne peut se permettre d'être malveillant envers ce département, en disant que les responsables sont de mauvaise foi, alors que nous n'avons encore rien demandé qui nous ait été refusé. La jouvence de l'IRCAM explique clairement pourquoi nos initiatives ne sont pas encore abondantes. Ne pensez-vous pas qu'à la lumière de ces problèmes, l'IRCAM risque de devenir une sorte de Tour de Babel ? Vous savez, c'est une possibilité, que ce soit ici ou ailleurs, car c'est la loi de la confrontation, c'est la nature même des choses. Si on n'arrive pas à imposer nos revendications et s'il n'y a pas de continuité à travers les diverses institutions, publiques et privées, ainsi que lorsque qu'il n'y aura plus d'ouverture sur la société civile et politique, le pire est à craindre. Faut-il, à votre avis, constitutionaliser l'amazigh pour dynamiser les réalisations de l'IRCAM ? À mon avis, c'est un faux débat. Il ne faut tout de même pas s'attendre au règlement de tous les problèmes si l'on constitutionalise l'amazigh. Nous n'allons pas ouvrir les yeux, au lendemain de ladite constitutionalité, et découvrir que tous les maux ont disparu. Il faut être réaliste. Commençons d'abord par s'attaquer aux problèmes de fond, comme l'unification des dialectes et autres problèmes qui sont, à mon avis, beaucoup plus urgent… Faites-vous allusion aux problèmes avec le ministère des Finances ? Tout à fait. C'est «le» problème. C'est un blocus qui nous étouffe au vrai sens du terme. Certes, c'est une chose louable que le contrôleur financier fasse son travail mais là, on se retrouve avec des fonds que l'on ne peut même pas dépenser. Nous revendiquons la levée de cet embargo. Figurez-vous que pour engager une personne pour une manifestation donnée, culturelle ou scientifique, l'IRCAM est tenu de lancer un appel d'offres. N'étant jamais sûr de pouvoir attirer un nombre suffisant de soumissionnaires, il se trouve que lorsqu'il y a moins de trois postulants, l'appel d'offres est considéré comme infructueux. Lorsqu'il s'agit d'un artiste, il est obligé de présenter une lettre de l'administration dont il dépend, en tant que fonctionnaire, l'autorisant à exercer un métier d'artiste. Pourtant, la loi 25/24 dispense les artistes-fonctionnaires de toute autorisation administrative. De même, quand on engage un expert pour une tâche déterminée, il doit nous fournir une autorisation de son employeur et là, il s'en va, tout simplement, parce que ça ne l'arrange pas de remuer ciel et terre pour les deux sous qu'on va lui donner.