Malgré un budget annuel important, 70 millions de DH, l'IRCAM sollicite régulièrement des aides extérieures pour le financement de son programme. L'enthousiasme qui a accompagné sa création est en train de se retomber. Depuis sa création en octobre 2001, l'Institut royal de la culture amazigh (IRCAM) s'est cantonné dans un curieux silence. Pourtant, parmi les principales missions dévolues à cet organisme, placé, rappelons-le, auprès de SM Mohammed VI, nous pouvons citer celle de "réunir et transcrire l'ensemble des expressions de la culture amazighe, les sauvegarder, les protéger et en assurer la diffusion". Et en matière de diffusion, justement, l'IRCAM a été chargé, conformément à son dahir de création, "de réaliser des recherches et des études sur la culture amazighe et en faciliter l'accès au plus grand nombre, diffuser les résultats et encourager les chercheurs et experts dans les domaines y afférents". Ceci sans compter la promotion de la création artistique dans la culture amazigh afin de contribuer au renouveau et au rayonnement du patrimoine marocain et de ses spécificités civilisationnelles". En somme, sur le plan purement juridique, le dahir de création l'atteste, l'IRCAM a des missions claires et réalisables. Sur le plan des moyens financiers mis à sa disposition, l'Institut a de quoi travailler dans une aisance totale. En effet, son budget annuel est de l'ordre de 70 millions de DH, une somme largement suffisante. Alors pourquoi l'IRCAM a du mal à faire entendre sa voix? Les raisons sont bien simples et c'est M'hamed Sallou, directeur du Centre des études artistiques, des expressions littéraires et de la production audiovisuelle (CEALPA) à l'IRCAM qui nous les donnent. Il cite, en premier lieu, une procédure bizarroïde imposée par le ministère des Finances. En effet, avant d'organiser n'importe quelle activité artistique, culturelle ou scientifique l'IRCAM est tenu de lancer un appel d'offres. Prenons l'exemple de la poésie. S'il veut réaliser un ouvrage sur les travaux d'un célèbre poète amazigh, l'Institut est obligé de lancer un appel d'offres. Il est en fait confronté à un double obstacle. Premièrement, il n'est jamais sûr, dans des sujets aussi pointus que ceux afférents à la culture amazighe, de pouvoir attirer un nombre suffisant de soumissionnaires. Et pour cause, moins de trois postulants, l'appel d'offres est considéré comme infructueux. Deuxième obstacle, si plusieurs soumissionnaires se présentent, et que l'ouvrage en question est réalisé, l'IRCAM est incapable de le vendre. Comment peut-on assurer "une large diffusion de la culture amazighe si nous n'en avons pas les moyens", s'insurge Sallou. Et d'ajouter que "le ministère des Finances a envoyé à l'IRCAM un agent comptable qui semble vouloir bloquer, coûte que coûte, l'action de l'Institut". A titre d'exemple, cet agent comptable a exigé une lettre de l'administration dont dépend un fonctionnaire l'autorisant à exercer une tâche artistique (composition d'une chanson au profit de l'IRCAM). Pourtant, la loi 25/24 dispense les artistes-fonctionnaires de toute autorisation administrative. Par ailleurs, le CEALPA a édité un important ouvrage sur les origines de la calligraphie Tifinagh. "Dans cet ouvrage, le travail des chercheurs a consisté à réaliser plus d'une centaine de missions sur le terrain, et de longues heures de lecture", précise Sallou. Impossible pour l'IRCAM de vendre ce livre, même pas à un prix symbolique. Même chose pour un CD audio de chansons pour enfants. Il sera bientôt prêt, mais l'IRCAM n'a pas le droit de le vendre dans les grandes surfaces pour en assurer une large diffusion. A cause de ces obstacles administratives, perçus d'ailleurs comme une entrave à l'action de l'IRCAM, bon nombres d'actions ont été carrément annulées. Les appels d'offres, rappelons-le, ne sont jamais exigés au Maroc pour les actions culturelles et artistiques. Le ministère de la Culture ne procède pas par appels d'offres, le centre cinématographique marocain, non plus. "Pourquoi l'IRCAM, alors?", se demande Sallou. Pour lui, malgré les moyens financiers colossaux dont dispose l'IRCAM, "nous sommes obligés de faire appel à des sponsorings". C'est le moyen le plus efficace, poursuit-il. A cette occasion, l'IRCAM compte lancer dans les jours à venir un SOS pour l'organisation d'un festival du théâtre Amazigh à Al Hoceima. Cette manifestation mettra l'accent sur le théâtre comique à l'adresse des enfants. "Cet appel à l'aide financière est destiné aux MRE résidants à l'étranger, aux élus, aux autorités gouvernementales, aux entreprises publiques et privées, aux artistes et à tous les Marocains", conclut Sallou.