Les députés du PJD ont accusé les établissements et instituts culturels établis dans notre pays de propager une culture qui met en danger l'identité des Marocains. Mustapha Ramid, président du groupe parlementaire du PJD, explique les raisons des craintes de son mouvement. Le cinéaste Abdelhaï Laraki les rejette au nom du droit à la différence. Le Parti justice et développement (PJD) s'intéresse de plus en plus à la culture. Après avoir fait sensation en demandant l'interdiction du dernier film de Nabil Ayouch, il a montré du doigt, mercredi dernier à la Chambre des représentants, les établissements et instituts culturels étrangers établis dans notre pays. Les députés de ce groupe ont fait part de leur crainte devant l'accroissement des établissements étrangers au pays qu'ils accusent de «diffuser les valeurs de la décadence morale, du sexe et de la débauche par le biais de leur enseignement et de leur programmation culturelle». Cette demande a suscité l'indignation de nombreuses personnes dans le pays qui en appellent à la constitution d'un bloc de démocrates pour contrer les «obscurantistes», comme les nomme le cinéaste Abdelhaï Laraki. Celui-ci ajoute : «Ils découvrent enfin leurs vrais visages ! Ils jettent le masque pour montrer qu'ils sont des antidémocrates, opposés à toute forme d'expression ou de création. Nous sommes en train de vivre une inquisition qui ne dit pas encore son nom mais qui ne tardera pas à révéler ses formes les plus féroces !» Mustapha Ramid, président du groupe parlementaire du PJD, rejette pour sa part les discours qui qualifient son mouvement d'extrémiste et d'obscurantiste : «Nous sommes ouverts, mais dans le cadre de nos valeurs en tant que musulmans», précise-t-il, avant d'ajouter : «Les programmes des instituts culturels établis dans notre pays ont une grande influence sur les fondements de la société marocaine. Il est hors de question de demander leur fermeture, mais il est de notre devoir d'attirer l'attention du gouvernement sur leurs actions». Abdelhaï Laraki défend pour sa part ces instituts : «C'est une chance que de les avoir ! Ils nous permettent d'accéder à la culture de l'autre. Ils permettent aussi à nos créateurs de montrer leurs œuvres. Je serais incapable de citer le nombre de peintres marocains que j'ai découverts grâce à l'action de ces établissements !» Avec sa supposée ouverture d'esprit, Mustapha Ramid n'en reproche pas moins aux établissements étrangers de «miner l'identité des Marocains et de conditionner leur mode de pensée». Il n'en veut comme preuve qu'un «Marocain qui a fait ses études au lycée Lyautey à Casablanca. Est-il vraiment Marocain ?», s'interroge-t-il. «Ces gens ne peuvent pas supporter la différence et la diversité. Ils sont porteurs d'un projet unique, exclusif et tout ce qui n'entre pas dans la trame de leur modèle est jugée hérétique», déplore pour sa part Abdelhaï Laraki. Mustapha Ramid se défend d'être fermé à l'autre. «Je me prépare, à l'instant, à partir en France où je serais très heureux de regarder un bon film», dit-il. Interrogé sur l'enseignement que suivent les enfants des députés du PJD, Ramid répond qu'il en a trois qui sont à l'école publique et ajoute : «Je doute très fort que les membres du PJD aient des enfants à la mission». Voilà donc en ce qui concerne les détails cette affaire qui a au moins un revers positif : la culture n'est pas une chose superflue, divertissante, un luxe, mais une composante de la société marocaine. Elle est au cœur du débat sociétal qui est aussi celui de la lutte d'une culture exclusive et de la présence de cultures différentes. Ceux qui ont considéré jusque-là de très haut la culture dans ce pays seraient fondés de considérer avec moins de condescendance ce débat. C'est sur ce terrain que se joue aussi l'avenir du Maroc. Et la réponse au Parlement de Habib El Malki, ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse, ne concourt ni à le trancher, ni à l'enrichir : elle le maintient en souffrance. Ce ministre a en effet eu une réaction très timide et très tempérée. Au lieu de répondre sur le fond aux interrogations des députés du PJD, il s'est contenté d'énumérer le petit nombre d'étudiants marocains inscrits dans ces établissements. La querelle n'est pas celle du chiffre, mais celle de la liberté de faire ou de ne pas faire.