Le Parti de la Justice et du Développement (PJD) s'intéresse de plus en plus à la culture. Il occupe l'actualité culturelle en prenant des positions qui clarifient à chaque fois son optique, tandis que les autres partis biaisent et essaient d'être à la fois avec et contre les idées du PJD. Ils sont là. Présents. Ils manifestent leur opposition à tout ce qui n'est pas conforme aux valeurs dont ils se réclament. Le jour du spectacle à Mégarama de l'humoriste Laurent Gerra, le Collectif national pour l'Irak, constitué de plusieurs personnes de gauche, initie une marche de protestation. Les islamistes du PJD s'emparent de la marche et font l'actualité. Mustapha Ramid, président du groupe parlementaire du PJD, a même fait une déclaration à notre journal contre laquelle on ne peut rien dire : « C'est une chose naturelle qu'il y ait ce genre de manifestations et une preuve de la bonne santé de notre société. Ceux qui ont eu le courage d'inviter Laurent Gerra l'ont fait en toute liberté, ceux qui ne sont pas d'accord affichent leur désaccord ! ». C'est cette implication des islamistes, ce pouvoir d'ubiquité qui fait qu'on a l'impression qu'ils sont partout, les plus actifs, les plus près aussi des sujets qui intéressent les citoyens, qui en fait de redoutables adversaires. Alors que la plupart des partis politiques négligent la culture ou procèdent par copinage, le PJD ne laisse pas passer une occasion de prendre position, chaque fois qu'un film, un livre ou un spectacle ne lui convient pas. Les députés de ce parti posent les termes du débat dans le lieu où s'exerce par excellence la démocratie : la Chambre des Représentants. Une première fois lorsqu'ils ont demandé l'interdiction du dernier film de Nabil Ayouch, ainsi que le remboursement de l'aide publique obtenue par le cinéaste. Une deuxième fois en accusant les établissements et instituts culturels établis dans notre pays de propager une culture qui met en danger l'identité des Marocains. Mustapha Ramid signe et approuve à chaque fois les décisions de son parti, n'hésite pas à s'exprimer dans notre journal, alors qu'il sait que notre ligne éditoriale est différente de la politique de son parti. Il n'hésite pas à produire des phrases chocs pour obliger les autres à réagir à ses propos. C'est à notre journal qu'il avait déclaré cette phrase qui a fait couler beaucoup d'encre : « Un Marocain qui a fait ses études au lycée Lyautey à Casablanca. Est-il vraiment Marocain ? » L'organe de presse du PJD, Attajdid, accompagne la politique de ses dirigeants. Il se saisit de l'annonce de la traduction en amazigh d'un livre de Mohamed Choukri pour créer le débat. Toutes ces actions relatives à la culture ont clairement défini le modèle de société des islamistes. Un modèle exclusif que le Marocain, quel qu'il soit, reconnaît infailliblement. Les autres partis jouent sur les deux bords, à l'image de la réponse, au Parlement, du ministre de la Communication et de celui de l'Education nationale et de la Jeunesse aux députés du PJD. Les formes de l'art sont aujourd'hui au cœur du débat sociétal qui est aussi celui de la lutte d'une culture exclusive et de la présence de cultures différentes. Ceux qui préconisent la culture exclusive le proclament à cor et à cri. Les autres veulent à la fois être de cette culture et respecter la liberté de création. Cette nuance fait qu'ils ne sont ni d'un côté, ni de l'autre. Ils sont dans un entre-deux très peu subtil pour réussir à séduire grand monde, le jour des communales.