L'aile modérée et moderniste au PJD a fait d'une pierre deux coups. Elle a écarté des rênes du pouvoir à la fois les caciques, le Dr. El Khatib notamment, et les virulents comme Mustapha Ramid et Ahmed Raïssouni. Voilà une étape de plus accomplie par le Parti de la Justice et du Développement (PJD). Le cinquième Congrès qui s'est tenu les 10 et 11 avril s'est soldé par l'élection de Saâd Eddine Al Othmani, au poste de secrétaire général, et de Abdelilah Benkirane à celui du poste de président du Conseil national. Les travaux du congrès se sont déroulés sans incident particulier, sauf peut-être la sortie de Mustapha Ramid. Celui-ci a refusé que les congressistes votent pour lui. Ramid a expliqué que "les mêmes raisons qui l'ont poussé à démissionner du poste de président du groupe parlementaire, l'obligent à ne pas briguer le poste de secrétaire général. En fait, la popularité de Ramid ne fait pas de doute au sein du PJD. Mais vraisemblablement, il a poussé la barre de la contestation trop haut jusqu'à perdre l'équilibre. Ses positions politiques "intransigeantes" seraient à l'origine de cette déconfiture. La popularité de Ramid, au sein du PJD, est ainsi illustrée par son élection comme membre du secrétariat général. Il siègera désormais aux côtés, entre autres, d'Abdelilah Benkirane (président du conseil national), Abdellah Baha (secrétaire général adjoint du parti), Lahcen Daoudi (député), Aziz Rebbah (secrétaire général de la Jeunesse du PJD), Mohamed Yatim (député), Jamaâ Moatassim (conseiller), Bassima Hakkaoui (députée), Abdelkader Amara (député). Le cinquième congrès du PJD est, en somme, un véritable tournant dans la vie du parti. Les adversaires les plus virulents du PJD reconnaissent que ce parti s'en est sorti, avec le moins de dégâts, des terribles conséquences des attentats du 16 mai. En fait, le contexte national et international sont catégoriquement défavorables au PJD. L'actuel secrétaire général, Saâd Eddine Al Othmani, a, lui-même, affirmé que la participation limitée du PJD dans les élections communales de septembre dernier est une conséquence de "la campagne médiatique et politique post-16 mai". Aujourd'hui, les responsables du PJD crient à qui veut les entendre que leur parti veut changer. Toutefois, des doutes persistent dans certains esprits. Le raisonnement de ces sceptiques est clair: donner d'une main ce qu'on ôte d'une autre. Certes, le PJD a écarté des rênes du pouvoir des virulents, tels que Ramid ou Raïssouni. Mais le départ du Dr. El Khatib et de ses alliés, met les pendules à l'heure de l'ambiguïté initiale. Un raisonnement qui se défend, dans une certaine mesure. En effet, Ramid et Raïssouni sont considérés comme des piliers du PJD. Ils éprouveraient aussi très peu de sympathie à l'égard du Dr. El Khatib et surtout de ses alliés. Khatib aurait tout fait, avant de tirer sa révérence, pour écarter le duo Ramid-Raïssouni. Il a, par la même occasion, assuré une "transition douce". Ce qui est sûr, c'est que l'aile modérée et pragmatique du PJD, incarnée par Al Othmani, sort la première gagnante de ce bras de fer interne. A en croire les résultats des élections du secrétaire général, l'aile modérée représente plus de 80% de la base du PJD. Même si Lahcen Daoudi briguait également le poste de successeur du Dr. El Khatib, il n'en demeure pas moins un fidèle de la ligne modérée pour ne pas dire moderniste. C'est le cas également d'Abdelkader Amara, un jeune ingénieur agronome ou Abdelaziz Rabbah, ingénieur informaticien et secrétaire général de la jeunesse du PJD. Malgré toutes les suspicions qui peuvent encore planer sur les intentions du PJD, cette formation s'impose comme un modèle pour les autres partis politiques du Maroc. La transparence dans laquelle le congrès s'est déroulé et le degré de démocratie interne, selon les témoignages des observateurs et journalistes sur place, font du PJD un exemple. Aussi, et c'est peut-être le plus important, le degré de militantisme, dans ce jeune parti islamiste, fait rougir les formations les plus anciennes. "Les congressistes ont ramené leurs propres couvertures", assure le président de la commission préparatoire du Congrès, Lahcen Daoudi. Celui-ci affirme que l'organisation de ce cinquième congrès a coûté un peu moins de 1,5 million de DH. Cette somme a servi à payer les repas (pour 2.000 congressistes et 600 invités), à subventionner le transport des congressistes venus des provinces éloignées (sahariennes notamment) et à acheter 1.400 matelas, 1.400 oreillers et 400 couvertures. Lahcen Daoudi assure que ces matelas, oreillers et couvertures seront distribués à toutes les sections du parti à travers le pays.