La perspective sérieuse d'établissement d'une zone de libre-échange entre le Maroc et les USA fait sortir les Européens de leurs gonds. La déclaration intempestive, et pour le moins inconvenante, de François Loos, ministre français du Commerce extérieur, a allumé la mèche. Pour notre pays, tout est bon à prendre, sans exclusive aucune. Le choix est porté, en toute indépendance, sur la croissance et le développement et non sur un nouveau Protectorat asservissant. La déclaration du ministre français délégué au Commerce extérieur, Francois Loss, sur le projet d'accord de libre-échange entre le Maroc et les Etat-Unis, étonne par son ton direct. C'est peut-être la nature du responsable français, mais il ne faut pas la prendre comme une déclaration de guerre comme certains l'ont laissé croire. Certes, le ministre Loos n'a pas fait dans les détails en passant le message d'une manière crue et en estimant que l'accord de libre-échange avec les USA est incompatible avec les relations privilégiées qu'entretient le Maroc avec l'UE. Il ne faut pas trop dramatiser la portée de cette déclaration qui ne voile aucunement un quelconque chantage. C'est une réaction normale d'un représentant de la France, de surcroît partenaire privilégié du Maroc, qui ne voudrait pas que cette alliance euro-mediterranéene soit concurrencée par un partenariat outre-atlantique. D'autant plus que le ministre, qui était en visite officielle dans notre pays, avait pour mission d'accélérer l'accord d'association avec L'UE qui butait sur plusieurs pierres d'achoppement. Il était certainement conditionné par des négociations assez dures qui durent depuis un an sur les volets industriel et agricole tant en matière de quantité, de prix que du calendrier d'échanges commerciaux. Et puis les négociations sur un accord d'association relève du marketing commercial. Ce qui suppose pour un membre de l'UE une stratégie agressive pour contrecarrer la percée imminente des Etat-Unis dans l'Afrique du nord qui est le principal concurrent de l'Europe dans le monde. Concernant l'avancement sur le volet agricole, le ministre français n'a pas caché sa satisfaction, quant aux progrès réalisés dans les négociations avec le Maroc. C'est dans ce domaine de l'offre que l'Europe doit focaliser son attention pour qu'elle soit plus attractive vis-à-vis de notre pays que ses concurrents y compris les Américains. Il faut que l'UE optimise davantage son partenariat avec le Maroc qui n'est pas seulement un partenaire commercial mais un allié stratégique. Ceci étant, le ministre et à travers lui, l'UE, devront aplanir les difficultés qui entravent l'écoulement de la tomate marocaine qui reste avec les céréales les plus grands points de divergences. Le secrétaire général du ministère de l'Agriculture, Hassan Benabdarrazik, en technicien avéré, estime que beaucoup de problèmes ont été aplanis dans ce domaine, à part ceux très sensibles de la tomate et des céréales. Il spécifie toutefois la nature des difficultés de l'aboutissement à un accord général : «Durant cinq ou six semaines de négociations, les deux parties ont progressé dans la résolution de plusieurs points. Les discussions ont porté sur la panoplie du volet agricole que ce soit les conserves, le fromage, la viande ou les fruits et légumes. Contrairement à ce que l'on pense, les négociations ne butent pas essentiellement sur la quantité des produits à exporter, mais sur le prix et le calendrier des échanges commerciaux». Quand on lui demande s'il est optimiste pour la suite des négociations, Hassan Benabderrazik, ne se départit pas de son esprit cartésien d'un technicien rodé à la négociation : « Je suis optimiste de nature et je négocie pour aboutir et je n'aboutis jamais si je ne trouve pas l'accord équilibré». Reste à savoir comment équilibrer un partenariat ancien avec l'Union européenne quand cette dernière scrute l'horizon d'un accord de libre-échange entre les Etats-Unis et le Maroc comme une atteinte à sa chasse gardée. Le négociateur par excellence, Benabderrazik récuse l'interprétation que certains ont faite de la déclaration du ministre français délégué au Commerce extérieur : «Je ne suis pas un politique, je suis un technicien qui estime que l'on a trop extrapolé sur la déclaration du ministre français. D'abord il est tout à fait normal qu'un membre de l'Union européenne défende les intérêts de la communauté à laquelle il appartient. C'est de bonne guerre comme le Maroc se déploie à la faire pour défendre ses intérêts en prenant des positions qui protégent ses ressources stratégiques. Il suffit d'avoir de la bonne foi pour ne pas tomber dans la surenchère excessive et les interprétations abusives». Bien dit, sauf que Benabderrazik est trop modeste quand il affirme qu'il est beaucoup plus spécialiste dans la technique de la négociation que dans la politique. Encore faut-il préciser que les Européens n'ont pas de quoi s'inquiéter sur un projet qui est encore à l'état embryonnaire et nécessite des négociations longues et ardues. À l'état actuel des choses, une équipe ad hoc se trouve aux Etat-Unis pour discuter avec leurs homologues de la globalité de ce projet de libre-échange. Les discussions s'étaleront sur plusieurs étapes qui, après l'articulation de l'espace négociation, seront réparties par equipes-projet. Ces négociations, qui sont chapeautées par le ministre délégué aux Affaires étrangères et de la Coopération, Taieb-Fassi Fihri, ne seront pas une sinécure. Quand on sait la force de négociation des Américains qui est inféodée à la pression du lobbying des professionnels de tous les secteurs, il faut savoir raison garder. Il est vrai que cet accord de libre-échange avec les Etat-Unis a des ramifications plus stratégiques pour le Maroc qui dépasse le cadre économique. Mais il ne faut pas se leurrer, les Américains ne feront pas de concessions qui nuisent à leurs intérêts économiques dont la décision relève des lobbies et des associations. Les négociateurs marocains doivent tirer des leçons de leur expérience avec l'Union européenne qui, avec le temps, s'est avérée plus favorable aux Européens qu'aux Marocains. Ceci étant, le Maroc a tout le droit de diversifier ses accords de partenariat sans que cela ne soit considéré comme une offense à l'UE. La loi de la mondialisation et les accords de l'OMC rendent le partenariat aussi extensible que la superficie de la terre. Bruxelles comme Washington savent très bien qu'on ne peut rien faire contre la mondialisation sauf à chercher à la rendre complémentaire quand il y a intersection entre les intérêts des deux puissances.