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France : Les démons de l'islamisme (56)
Publié dans Aujourd'hui le Maroc le 14 - 02 - 2005

Deux journalistes français, Christophe Deloire et Christophe Dubois viennent de publier, chez Albin Michel, un livre intitulé «Les islamistes sont déjà là» et qu'ils présentent comme «une enquête sur une guerre secrète». L'ouvrage vaut la peine d'être lu ne serait-ce que pour les notes des «services» qui semblent avoir fortement «inspiré» les deux co-auteurs. Nous en publions les bonnes feuilles, chapitre par chapitre.
Les services ne disent pas tout sur “Tarek”
Paris, octobre 2002
Sur la photo, l'homme marche dans la rue et referme sa veste. Cheveux mi-longs, lunettes épaisses, il ressemble à n'importe quel quidam. Il ne l'est pas. Ali Touchent, alias “Tarek”, est considéré comme l'un des principaux organisateurs de la vague d'attentats qui a ensanglanté Paris en 1995 et qui a sensibilisé les Français à la menace terroriste. Officiellement, cet Algérien est mort le 23 mai 1997 à l'âge de trente ans sous les balles de la police algérienne. Consigné dans un album de la Direction centrale de la police judiciaire, le cliché fourni par les services secrets ne donne aucune indication sur la date, le lieu et les circonstances de la prise de vue. Cette ignorance n'est pas sans importance. Responsable du Groupe islamique armé, Ali Touchent a toujours vécu comme un véritable courant d'air. Jamais présent là où les policiers interviennent. Toujours un coup d'avance. La photo versée au dossier judiciaire laisse penser qu'il a bel et bien été “filoché”. Quand? Comment? Par qui? Pourquoi n'a-t-il pas été arrêté comme les autres? De nombreux observateurs soupçonnent “Tarek” d'avoir été une “taupe” des services algériens, chargé d'infiltrer les résaux islamistes. À ce jour, l'énigme reste entière.
L'itinéraire de cet homme secret recèle encore bien des mystères. Ali Touchent foule pour la première fois le sol français en septembre 1988. Il suit des études d'architecture. Domicilié à L'Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne, il est inscrit dans une école sous sa véritable identité. En 1993, son nom apparaît pour la première fois dans le cadre d'une vaste opération policière dans les milieux islamistes du FIS, baptisée “Chrysanthème”. Ali Touchent échappe déjà à ce coup de filet. Dans un foyer Sonacotra de l'Haÿ-les-Roses, les policiers découvrent de nombreux faux papiers portant sa photo. Le parfait attirail de l'homme habitué à circuler sans se faire repérer. D'ailleurs, “Tarek” s'est volatisé avant que la police frappe à sa porte. Sa cavale ne l'emmène pas très loin. Deux ans plus tard, les enquêteurs retrouvent sa trace en Belgique. Une opération policière est prévue pour le 1er mars 1995. Détail troublant : Touchent disparaît la veille de l'intervention des enquêteurs belges! Une baraka hors du commun. Dans les instances du GIA, personne n'imagine qu'il n'ait pas été arrêté comme les autres.
Un chef du GIA rédige même un communiqué menaçant le Belgique de représailles, en raison de l'arrestation, croit-il, de son correspondant en Europe, le “cheikh Abdelnasser”, alias Ali Touchent. Lequel a filé à l'anglaise. Mais le terroriste ne reste pas inactif. Il prépare et supervise les attentats de Paris en 1995. Plusieurs témoins disent l'avoir reconnu dans la rame du RER B le jour de l'attentat, le 25 juillet 1995.
À l'automne 1995, les poseurs de bombes sont arrêtés. c'est alors qu'apparaît, dans un album photo daté du 3 novembre, le mystérieux cliché de Touchent.
Cette pièce judiciaire se compose de soixante-trois clichés. Seul le n° 59, représentant “X… dit Nacer”, n'est pas identifié. Étonnamment, cette photo a été retouchée. Dans d'autres albums, un homme figure en arrière-plan. Ici, la silhouette a disparu. Encore plus étonnant : pourquoi l'identité d'Ali Touchent, connu des services antiterroristes depuis 1994, n'est-elle pas mentionnée? Seule certitude : ce cliché a été pris avant les arrestations de 1995. Quel service était alors aux basques du chef du GIA en Europe? Pourquoi a-t-on perdu sa trace? La police est totalement muette sur ce point crucial. Officiellement, Ali Touchent n'est identifié que le 12 novembre 1995, soit onze jours après l'arrestation de l'“émir” du groupe en France, Boualem Bensaïd. Sa photo figure pourtant dans le dossier dès le 3 novembre. Une fiche de rcherche est lancée en décembre 1995, et un mandat d'arrêt international délivré en 1997. Et l'on revient à la fameuse mort de Touchent. En février 1998, les autorités algériennes annoncent qu'il a été abattu en mai 1997. À noter que son corps n'a jamais été présenté à la famille. Nul ne sait où il est enterré. En 2003, Mohamed Samraoui, ancien colonel de la Sécurité militiare algérienne, relance l'affaire en affirmant que les attentats de 1995 ont été perpétrés par des islamistes manipulés par les militaires 1. Il cite Ali Touchent parmi les possibles “agents” infiltrés : “Il est la pièce maîtresse de ce puzzle. il était directement manipulé par (…) l'ancien chef du renseignement algérien en France. J'ai pu vérifier que cet officier avait eu plusieurs contacts en Belgique et aux Pays-Bas avec Touchent.”
En octobre 2002, au cours du premier procès des attentats de 1995, le numéro deux de la police judiciaire, Roger Marion, ancien chef de l'enquête, esquive les questions gênantes. Le travail minutieux de deux avocats de Boualem Bensaïd, Guillaume Barbe et Benoît Dietsch, relayé par une requête du conseil d'Aït Ali Belkacem, Philippe Van der Meulen, oblige le président de la cour d'assises spéciale à convoquer le numéro deux de la DST, Jean-François Clair, et son homologue des RG, Bernard Squarcini, pour éclairer les zones d'ombre qui subsistent autour de ce drame. Les deux hommes mettent l'enquête à plat, mais contestent une éventuelle manipulation des services algériens. Jean-François Clair : “Ils ont été coopératifs avec nous, nous ont alertés des menaces d'actions en France dès février 1995. Ces accusations viennent d'officiers déçus, de gens du FIS et d'anciens politiciens qui ont des comptes à régler.” Concernant Ali Touchent, le responsable du contre espionnage met en jeu son honneur : “S'il avait été notre informateur, vous imaginez qu'on aurait laissé faire des attentats après Saint-Michel contre nos intérêts? On a une déontologie dans ce métier.”
En fait, la DST entretient les meilleurs rapports avec la Sécurité militaire algérienne, rebaptisée Direction du renseignement et de la sécurité. Son patron, Smaïn Lammari, tape dans le dos des responsables des services français. Un ancien haut fonctionnaire de la DST témoigne : “Nous avions établi un lien de confiance avec Lammari. Mais il fallait avoir conscience des manipulations auxquelles il pouvait se livrer.” La DST sait qu'il se passe des choses étranges dans les maquis algériens. Elle en laisse même des traces écrites dans un rapport sur le GIA: “De nombreux affrontements eurent lieu à l'intérieur même du mouvement, atteint du syndrome de la “bleuite”, en référence à la manipulation effectuée par le capitaine Léger pendant la guerre d'Algérie 2.” Une opération d'intoxication devenue légendaire. L'ancien responsable du contre espionnage se souvient des confidences de Lammari lors d'une visite à Paris en 1994: “Il nous a annoncé que l'armée avait monté une embuscade contre le GIA, qu'elle avait éliminé tous les chefs, sauf un, Djamel Zitouni, l'émir du GIA. Alors, on a compris…” Cela signifie : on a compris que Zitouni, le donneur d'ordres d'Ali Touchent, avait été protégé. Zitouni, qui fut l'un des ennemis les plus virulents de la France, et s'illustre en toile de fond des attentats de Paris.
L'homme est à l'origine de curieuses manipulations. Un faux décès sur mesure fut aussi inventé pour lui. Le 23 mars 1994, un journal algérien de langue arabe, El Khabar, annonce la mort de Zitouni. En fait, selon la version officielle, “l'émir des “phalanges de la mort” n'aurait pas été abattu en mars 1994, mais seulement blessé 3”. Mieux, “capturé, il aurait réussi à s'échapper.
À la DST, beaucoup ont peine à croire à cette version. En tout cas, Djamel Zitouni est nommé émir national du GIA le 18 novembre 1994. Un mois plus tard, il commandite la prise en otage d'un Airbus d'Air France sur l'aéroport d'Alger. Pour tenter d'y mettre fin, le factotum de Charles Pasqua, Jean-Charles Marchiani, active des réseaux “proches de Djamel Zitouni”, selon ses propres termes. L'opération se soldera par l'intervention du GIGN à l'aéroport de Marseille. Les Algériens n'ont jamais réussi à expliquer à la justice française comment le commando avait réussi à franchir les contrôles de l'aéroport d'Alger. Début avril 1995, le GIA fait connaître “son nouvel organigramme, le précédent ayant dû être remanié à la suite d'affrontements avec les forces de l'ordre à Aïn Defla lors desquelles une nouvelle fois Djamel Zitouni s'en serait sorti indemne 3”. En janvier 1996, Zitouni accuse l'un des hommes du GIA, Mahfoud Tadjine, “d'avoir entretenu des relations avec un général français”.
Tadjine est exécuté. En mars 1996, un rival, l'émir du Mouvement de l'État islamique, dénonce Zitouni “comme étant agent de la sécurité algérienne”. Pour l'émir du GIA, c'est le début de la fin. Le 17 juillet, sa mort est annoncée. À la DST, on connaît la version officielle : “Il serait tombé, le 16 juillet, dans une embuscade fomentée par des groupes “djazaristes” 3.” Cela dit, en Algérie, les versions officielles sont toujours à prendre avec des pincettes.
1- Mohamed Samraoui, Chronique des années de sang. Algérie : comment les services secrets ont manipulé les groupes islamistes, Denoël, 2003.
2- «Le Groupe islamique armé», DST, 1997.
3- Ibid.


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