L'épreuve démocratique réussie, le Maroc politique aspirait à la continuité de l'expérience d'alternance, mais le sectarisme partisan et les ambitions égoïstes démesurées ont failli avorter ce rêve. S'il y a un domaine au Maroc qui a focalisé l'attention de l'opinion publique, aussi bien sur le plan national qu'au niveau de l'étranger, c'est bien celui des élections. En effet, pour la première fois, dans l'histoire du royaume, des échéances électorales ont été annoncées plusieurs mois avant la date de leur tenue. Pour la première fois, également, des larges concertations ont été ouvertes, à cette fin, en vue de rendre accessible aux citoyens la mise en place d'un nouveau dispositif électoral. L'adoption d'un mode de scrutin de liste à la proportionnelle, difficile à comprendre pour bon nombre de citoyens a fait l'objet d'apprentissage et d'empirisme critique et constructif au niveau de certaines circonscriptions. Dans le même élan précurseur, ont été rejetées les couleurs qui distinguaient auparavant les formations partisanes et un débat serein et concluant a été entamé au sein de l'enceinte parlementaire et au niveau d'une commission à laquelle participaient les représentants des différents partis politiques. Aussi, dans l'optique de hisser l'action partisane et le champ politique marocain au rang des pays développés et démocratiques, un quota de 10 % a été réservé aux femmes au niveau de la Chambre des représentants. Sur le terrain, et contrairement aux expériences précédentes, la position des autorités publique s'est distinguée par une volonté ferme de vouloir assainir le champ de gestion de l'espace public. Pour la première fois, également, des agents d'autorité ont été sanctionnés pour ingérence abusive dans l'opération de vote et pour intelligence avec certains candidats aux élections. Le jour du vote s'est distingué ,à son tour, par une sorte de transparence et d'intégrité sans précédents. En dépit de certains faits sans grande importance, les opérations de vote se sont déroulées dans des conditions saines et justes. Malgré le retard accusé en ce qui concerne les résultats des élections de ce 17 septembre 2002, l'ensemble des formations politiques, y compris celles qui n'avaient pas connu de succès, ont été unanimes à reconnaître la neutralité des pouvoirs publics vis-à-vis des différents concurrents politiques et la fiabilité du verdict des urnes. Pour avoir tenu leurs promesses, ces échéances ont été applaudies et accueillies favorablement dans les sphères diplomatiques, aussi bien dans le monde arabe, qu'au niveau des pays démocratiques occidentaux, comme c'est le cas pour la France, l'Espagne et les Etats-Unis, qui ont vu dans l'expérience marocaine un exemple à suivre dans l'ensemble des pays du Tiers-monde, notamment au niveau du monde arabe, en Afrique et Amérique Latine. Cependant, toutes ces garanties se sont révélées, malheureusement, insuffisantes pour boucler la boucle de la transition démocratique en beauté . Malgré le vote en faveur de la continuité de l'expérience gouvernementale menée par Abderrahman Youssoufi, et en faveur de l'USFP, qui est arrivé en première position avec 50 sièges, les rangs de la majorité sont restées vulnérables à la tentation sectaire et aux ambitions démesurées de certains dirigeants politiques. Finalement, c'est suite à une intervention ferme et tranchante de S.M. le roi Mohammed VI que la situation s'est débloquée. Contrairement à toutes les attentes et aux scénarios qui étaient en cours, la Primature a été affectée à une personnalité sans appartenance partisane. La nomination de Driss Jettou, en tant que Premier ministre, qui a eu effet de douche froide dans les rangs de certains partis politiques, dont essentiellement l'USFP, s'est avérée, par la suite, concluante et favorable même à la réconciliation entre les différentes formations partisanes. Finalement, un nouveau consensus s'est formé autour du nouveau Premier ministre, et une nouvelle équipe gouvernementale, composée de la majorité des composantes de l'exécutif sortant, a vu le jour. En revanche, les rangs de l'opposition se sont distingués par l'avènement d'une nouvelle force montante, qui patauge entre une fibre religieuse radicale et une vocation politique classique. Les formations partisanes créées à la veille des élections sont restées, en dépit de leur discours optimiste, sans effet sur le cours général des événements. Bref, le triomphe de la démocratie, nécessaire à la modernisation du champ politique, s'est avéré insuffisant pour éradiquer le sectarisme.