Alors que l'armée soutient la guerre sous différents prétextes, les nouveaux dirigeants s'y opposent pour ne pas contrarier leur électorat et contredire leur orientation islamiste. Les Turcs veulent un débat sur le rôle de leur pays dans une guerre éventuelle en Irak. Le président du Parlement turc s'est prononcé pour un débat public de l'organe législatif pour discuter des modalités de l'aide militaire qu'Ankara doit fournir à Washington. La décision est trop importante pour ne pas être débattue par le Parlement, a dit M. Bulent Arinc. La question a déjà été examinée plusieurs fois par l'Exécutif, qui regroupe l'état-major de l'armée et les dirigeants élus. Les députés ne veulent apparemment pas qu'on les écarte du débat et des prises de décisions.« Le Premier ministre doit absolument informer le Parlement. S'il le faut, il est toujours possible de tenir ce débat à huis clos », a précisé M. Bulent Arinc. La classe politique turque s'interroge publiquement sur les retombées que pourraient avoir une guerre en Irak sur son propre équilibre politique et économique. La Turquie craint pour son économie fragile, appréhende un brusque afflux de réfugiés et redoute que les Kurdes du Nord de l'Irak profitent du conflit éventuel pour proclamer leur indépendance, ce qui pourrait raviver les tendances séparatistes de leur propre minorité kurde. Les menaces que font peser les Etats-Unis sur l'Irak mettent la Turquie dans une position inconfortable. L'opinion publique est largement opposée à une frappe contre ce pays, alors que l'Administration Bush ne relâche pas sa pression pour obtenir le pouvoir d'utiliser des bases sur le sol turc. Sans doute pour éviter les impondérables, Ankara presse de plus en plus Bagdad de coopérer avec les inspecteurs en désarmement des Nations Unies. « Nous espérons que le problème irakien sera réglé dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies aussitôt que possible », déclaré le ministre des Affaires étrangères devant le Parlement. Les dirigeants turcs continuent de se concerter pour un énième jour de discussions sur la question, mais peu d'informations filtrent. Les officiels refusent de commenter des informations de presse selon lesquelles les Etats-Unis ont demandé l'autorisation de déployer jusqu'à 80.000 soldats américains dans des zones proches de la frontière irakienne pour cinq ans. Le Parlement a, en tout cas, renouvelé l'autorisation donnée aux avions américains et britanniques d'utiliser le base aérienne d'Initrile pour patrouiller au-dessus d'une zone d'exclusion aérienne au Nord de l'Irak. C'est depuis cette base que les Etats-Unis avaient lancé leurs attaques contre l'Irak, en 1991. Elle abrite une cinquantaine d'avions américains qui surveillent le ciel irakien. Le soutien d'Ankara reste fondamental pour Washington en cas de conflit. L'Arabie saoudite montre aussi des signes de malaise : «Un conflit pourrait déstabiliser toute la région», a déclaré le ministre adjoint saoudien à la Défense. « Nous ferons le nécessaire pour protéger nos intérêts régionaux, pour protéger les citoyens saoudiens, la population, et pour la sécurité des gens dans d'autres pays», a-t-il ajouté. Il a réaffirmé, par ailleurs, que 80 % du problème du terrorisme sera résolu lorsque la question israélo-palestinienne aura trouvé une issue dans la paix et par un accord équitable pour le Peuple palestinien. En attendant, Washington continue d'affirmer qu'il ne déclenchera pas de guerre sans le feu vert de l'ONU, a déclaré le Secrétaire général de l'OTAN, George Robertson. Il a précisé qu'aucune décision n'avait encore été prise pour un éventuel recours à l'aide de l'Alliance. «Jusqu'à présent, les Etats-Unis sont restés fermement sur la route des Nations Unies. Ils continuent, les inspecteurs sont toujours là» a souligné M. Robertson qui a ajouté : « Il y a un certain discours, mais en réalité le Président Bush a fermement intégré son pays dans l'OTAN et au sein des institutions multilatérales et internationales». Selon lui, «les Etats-Unis sont dépendants de leurs alliés que ce soit pour leur espace aérien ou leur présence dans les parties éloignées du monde. La particularité de l'Administration Bush est d'impliquer les alliés». Sur le terrain, un mois après la reprise de leur mission d'inspection de l'arsenal militaire irakien, les experts en désarmement de l'ONU continuent de visiter des sites suspects et interroger des scientifiques et des universitaires.