L'opposition est dans une véritable impasse. À peine une soixantaine de députés et un discours qui ne peut être cohérent. La déclaration gouvernementale passera haut la main. Difficile sera la mission de l'opposition face au gouvernement Jettou. Difficile sera sa réplique aux actions gouvernementales. Et dur sera le jeu parlementaire pour une opposition dont certaines de ses composantes légitimes sont au gouvernement. Seul le Parti de la justice et du développement émerge du lot comme une véritable force de l'opposition, avec une quarantaine de députés. Mais il ne fera certainement pas le poids face à une majorité plus décidée que jamais à préserver sa cohésion. Même les partis d'appoint qui n'ont pas figuré dans la liste du gouvernement Jettou font tout pour se rapprocher de la majorité. Le cas du FFD et de l'UD est significatif à cet égard. Le groupe démocrate-constitutionnel tient à figurer comme le symbole d'une force libérale qui fera parler d'elle. Mais le nombre de députés le handicape fortement. Pour le PJD, la déclaration gouvernementale est le résultat des dissonances dans la composition du Cabinet Jettou. Cela ne peut qu'avoir une incidence négative sur l'efficacité gouvernementale et le travail qu'il est appelé à accomplir. Mustapha Ramid, chef du groupe PJD au parlement, a relevé parmi les griefs, le fait que la déclaration gouvernementale n'ait pas clarifié avec suffisamment de force les mesures qu'elle comporte bien qu'elle mentionne l'attachement à l'authenticité et au patrimoine marocains, l'ouverture sur la science, et la fidélité aux référentiels, aux principes, options et constantes, en premier lieu l'Islam, la monarchie constitutionnelle et l'unité territoriale. La "plus grande lacune" du programme gouvernemental consiste en l'absence d'indicateurs à l'aune desquels l'on puisse mesurer l'efficience de l'action du gouvernement et juger de ses résultats tels que le taux de croissance escompté, le taux de réduction du chômage, le taux d'investissement et le taux d'épargne nationale, a ajouté le chef du groupe PJD. M. Ramid a fustigé le manque d'ouverture dans le domaine financier sur des formules de financement "non usurières" et sur les investissements mixtes avec des pays islamiques avec la mise à contribution des capacités financières des institutions bancaires islamiques, ajoutant que son groupe attendait du gouvernement des mesures concrètes pour réglementer la collecte de la Zakat et son utilisation. La déclaration gouvernementale, a-t-il poursuivi, ne donne aucune indication sur le secteur de l'enfance, la politique énergétique du pays et les rapports du gouvernement avec l'Union Européenne notamment dans le secteur de la pêche. Il en va de même pour la politique envisagée en matière de tourisme intérieur ainsi que les mesures à prendre pour conférer au tourisme extérieur un caractère qui respecte les valeurs du pays. Dans un entretien téléphonique avec ALM, M. Ramid regrette surtout le fait que les partis politiques n'accordent plus aucune importance aux électeurs et changent de cap pour prétendre aux postes de responsabilité. « Il est anormal qu'on nous laisse seuls dans l'opposition », disait-il. Au fait, le PJD n'est pas vraiment seul. A ses côtés, le groupe constitutionnel démocrate, regroupant les élus de l'Union constitutionnelle et du Parti national démocrate. D'ailleurs abdallâh Kadiri, secrétaire général du PND nous avait déclaré que son parti est en contact avec le PJD. Des actions communes ne sont donc pas à exclure. La déclaration gouvernementale « ne précise pas les mesures et les mécanismes de son application en vue de réaliser les objectifs escomptés », a indiqué le président du groupe constitutionnel démocrate au sein de la Chambre des représentants, Abderrahmane Mtioui. « A l'instar des précédents discours gouvernementaux, nous n'avons pas décelé dans la déclaration gouvernementale de solution nouvelle et pratique à certains problèmes tels que le chômage et la mise à niveau de l'économie nationale ». La même approche a été adoptée par les députés de la gauche socialiste unifiée. Ils considèrent que la déclaration gouvernementale présentée par le Premier ministre devant la chambre des représentants "a ignoré la nécessité d'une réforme politique globale" comme passage obligé vers la transition démocratique et le règlement de la problématique du développement socio-économique au Maroc. Le porte-parole du GSU, M. Sbaï, a souligné que cette déclaration ne comporte pas de stratégie claire pour une approche à la question de l'emploi, indiquant que le règlement de la question du chômage nécessite l'abaissement des hauts salaires et la lutte contre la gabégie au niveau des dépenses publiques. Il est vrai que la promotion des investissements demeure tributaire de la lutte contre la corruption de l'administration et de la réforme de la justice, selon M. Sbai que la déclaration gouvernementale ne contient pas de mesures concrètes en la matière. Cela dit, le discours de l'opposition reste prisonnier d'une situation pour le moins paradoxale. Comment la GSU peut-elle coordonner avec le PJD, lequel ne peut compter sur une collaboration à long terme du groupe constitutionnel démocrate qui, à son tour, ne porte pas dans son cœur la GSU. Les fils mêlés, pour tout résumer.