Le procès de « la cellule dormante d'Al-Qaïda » a été reporté hier par la Chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca à l'audience du mercredi 25 décembre 2002. La convocation des témoins et la présentation des biens saisis sont les raisons de ce report. Hier matin, à 8h 30m, la Cour d'appel de Casablanca a déjà ouvert ses portes. Les fonctionnaires rejoignaient encore leurs bureaux. Aux alentours de l'édifice de la Cour, aucun indice n'indique qu'il y'aura un procès particulier ; pas de dispositif sécuritaire, pas de grillage empêchant les gens d'accéder à l'enceinte. Tout paraît ordinaire. Seules les caméras des chaînes de télévision internationales, installées devant la grande porte destinée à l'entrée des fourgons transportant les détenus, font l'exception. Les chaînes Abou Dabi, Al Manar, MBC, etc. donnent l'impression d'un procès hors du commun. Dépassant le seuil de l'édifice de la Cour, le hall est déjà préparé ; des policiers en tenue de service empêchent les curieux d'accéder à la salle d'audience n°7. Ils ne laissent passer que les membres des familles des détenus, les personnes qui disposent d'une convocation, les journalistes de la presse nationale et les correspondants de la presse étrangère. Il paraît qu'il n'a pas beaucoup de policier ? «Si, il y en a, mais ils sont en civil. On a un dispositif sécuritaire discret…», confie un responsable de la Sûreté de la préfecture de Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ. Vers 8h45mn, les deux avocats principaux des trois Saoudiens, Me Benhammou Moussaïf Abderrahim et Me Khalil El Idrissi, sont déjà à la salle d'audience en train de lire quelques documents. Quant à Me Abdellah El Ammari, il s'assoit tout seul, se penchant sur un dossier. Tout le monde parle d'un communiqué publié par un quotidien, signé par Fatima Haydour et Rachida Haroune, respectivement sœurs des détenues Bahija et Houraya Haydour et de Naïma Haroune, qui retire son soutien aux trois Saoudiens. «D'abord, je ne veux pas commenter leur action, pour la simple raison que c'est l'ambassade de l'Arabie Saoudite qui m'a demandé de les soutenir et non pas leur famille. En plus, je me demande pourquoi le communiqué a été publié par un seul quotidien et le jour de l'ouverture du procès. Il y a des gens qui tirent les ficelles derrière alors que les 2 signataires n'ont fait qu'apposer leur signature…», affirme Me Abdellah Ammari, président du rassemblement pour la dignité de l'Homme (TAMKINE). Il ne soutient désormais que le commerçant Nadir Mohamed et son frère Hicham. 9 heures sonnent. La salle d'audience est archicomble. Plus d'une cinquantaine d'assistants, y compris les avocats et correspondants des médias, vont suivre le procès en se tenant debout. Les mis en causes entrent à la salle sous haute surveillance; les trois Saoudiens, Zouheïr Hilal Mohamed Tabiti, Jaber Awade Al Assiri et Abdellah Mseffer Abide, tous non barbus, suivis du policier de l'aéroport Mohammed, Abdellah Abide, le commerçant de Rabat et son frère, Mohamed et Hicham Nadir, le commerçant de Derb Omar à Casablanca, Mohamed Masmane et les trois femmes, Naïma Haroune, Bahija Haydour et sa sœur Houria, tous en Tchador noir. Aucune partie de leurs corps n'est dévoilée, y compris leurs yeux. Un quart d'heure plus tard, la Cour entre à la salle présidée par Me El Aydi El Mir. Il commence à appeler les dix accusés, un par un et leurs avocats. Me Abdellah Ammari se présente le premier devant la Cour au nom des frères Nadir : «On souhaite arriver à la vérité», dit-il avant de présenter sa requête concernant la convocation des témoins à décharge. Me Mustapha Ramide lui succède au nom du commerçant de Derb Omar pour présenter la même requête. «On remet entre vos mains une liste des dix témoins à décharge pour Masmane, qui n'avait qu'une relation de bienfaisance avec Tabiti. Il lui avait versé une première somme de 4 mille dirhams et une deuxième de 2 mille …», réclame-t-il. Khalil El Idrissi, qui soutient les trois Saoudiens, leurs deux épouses et la sœur de l'une d'elles, a pris la parole pour aller dans le même sens. Seulement, il a préféré les citer verbalement. «Parce que nous avons déjà livré un mémorandum écrit à ce propos à M. le juge d'instruction, mais en vain», justifie Me Khalil et il commencé à les nommer : Rahma Zamrani, Kaltoum Haroune, respectivement mère et sœur de Naïma Haroune, les Britel Mbarka, Khadija, Nouredine et Rabha, de Wardia Karam, Fatiha et Fatima Haydour, Abdelmajid El Gareh et l'ambassadeur de l'Arabie Saoudite au Maroc. «Ce sont tous des témoins oculaires à l'exception de l'ambassadeur qu'on a demandé parce qu'il a été avisé lors de l'arrestation de ses concitoyens». Me Moussaïf, au nom toujours des Saoudiens et de leurs épouses marocaines, s'est chargé d'un autre volet pour intervenir. Il a requis la présentation devant la Cour des biens saisis et signalés dans le PV et ceux qui n'en sont pas signalés et qu'il avait considérés comme «détournés par les enquêteurs», à savoir 3 billets d'avion, 3 valises et une somme de mille dirhams. Ces requêtes n'ont pas plu au représentant du ministère public, Saoud Grine, qui a recouru aux dispositions de la procédure pénale pour démonter que «ces requêtes sont infondées juridiquement». D'une réplique à l'autre, entre la défense et le représentant du ministère public, le président de la Cour a fini par lever l'audience vers 10h 37mn pour délibérer sur les requêtes et réapparaître, une demi-heure plus tard et prononcer: «La Cour a accepté la requête concernant la présentation des biens saisis et mentionnés dans le PV et décide la convocation des témoins à décharge signalés dans le PV et rejette les autres requêtes. Elle décide aussi le report à l'audience du 25 décembre 2002». Aussitôt, la défense s'est présentée pour réclamer la liberté provisoire au profit des mis en cause. Une requête qui a été rejetée par la Cour.