Le chef de gouvernement nommé se trouve dans une situation constitutionnellement inédite. Il est à la fois député et chef de gouvernement. Les deux ne sont pas cumulables. Les députés fraîchement élus accompliront, ce vendredi 28 octobre, leur deuxième semaine de congé forcé. Le Parlement est presque à l'arrêt, la deuxième Chambre étant également contrainte à fonctionner au ralenti, depuis son ouverture par le Souverain, vendredi 14 octobre. Et au rythme auquel avancent les tractations de formation du nouveau gouvernement, cette situation risque de s'éterniser. Pour pouvoir entamer son action, la première Chambre doit attendre l'élection de son président, d'un bureau et la mise en place des commissions. Rien de cela ne peut se faire sans que les contours de la majorité ne soient précisés et les futurs alliés ne se soient mis d'accord sur le profil du prochain président. En attendant, les textes de loi s'entassent. Les services du bureau de la Chambre ont déjà réceptionné quatre textes : deux projets de lois, un projet de loi organique et le projet de loi de Finances déposé le 6 octobre dernier. Quant aux commissions, ce ne sont pas moins de six autres textes qui les attendent. Il s'agit de deux projets de décrets-lois, deux projets de lois ordinaires et deux projets de lois organiques. Mais pour plancher sur un quelconque texte, le Parlement doit d'abord régler certaines questions urgentes. L'une des premières actions du futur président est de saisir le Conseil constitutionnel pour annulation du mandat d'Abdel-Ilah Benkiran, soit sur demande de ce dernier ou de sa propre initiative. Le chef de gouvernement nommé se trouve en effet dans une situation constitutionnellement inédite. Il est à la fois député et chef de gouvernement. Les deux n'étant pas cumulables. Et comme il ne peut pas demander à être déchargé ni ne peut être démis de ses fonctions, comme c'est le cas d'autres membres du gouvernement, il doit renoncer à son mandat. Chose qui, selon les procédures, ne peut se faire qu'à travers le président de la Chambre sur demande du bureau. Sans groupe parlementaire, un parti n'a quasiment pas droit de cité dans la Chambre La loi organique de la Chambre impose au concerné de régulariser sa situation dans un délai de 30 jours, à compter de la date de son élection. La deuxième urgence, c'est de trancher la question des groupes. La nouvelle équipe dirigeante du Parlement doit décider s'il y a lieu de changer les statuts de la Chambre, l'article 32 plus précisément, et réduire le nombre des députés nécessaires pour former un groupe à 12 ou maintenir le chiffre actuel (20 membres). L'avenir du PPS (12 sièges) en dépend et il fera certainement pression sur ses alliés pour plaider sa cause. L'UC, également concerné (19 sièges), a résolu le problème en s'associant au RNI pour former un seul groupe. La question s'est déjà posée, il y a un an, au moment de la mise en place des instances de la deuxième Chambre. Mais contrairement à la première, la deuxième Chambre a vu son effectif passer de 270 membres à 120 conseillers. Il faut préciser que sans groupe parlementaire, un parti n'a presque pas droit de cité dans la Chambre. Il n'est plus représenté dans le bureau, ne peut pas prétendre à la présidence d'une commission, ne peut pas avoir des locaux propres et un staff administratif à son service. Il ne peut pas non plus initier la formation des commissions d'enquête, ni convoquer les ministres devant le Parlement. Bref, il perd l'essentiel de ses pouvoirs de législation, de contrôle du gouvernement, de questionnement du chef de gouvernement et d'évaluation des politiques publiques. Même lors de la formation des commissions, les groupements ne se « servent » qu'après les groupes. Ils héritent donc des commissions dont personne n'aura voulu. Pour l'anecdote, selon la répartition du temps d'intervention lors de la session des questions orales, chaque député n'a droit qu'à six secondes, et selon les procédures il faut 60 secondes pour poser une question orale et donc passer à la télé, les deux députés de la FGD, par exemple, doivent attendre cinq séances pour poser une question en une minute à un ministre. Le PPS, avec ses 12 députés, peut à peine poser une question en un peu plus d'une minute (72s) par séance hebdomadaire, cela alors que le PJD dispose d'un volume horaire de 12mn30s par semaine. Cela dit, une fois les groupes et les groupements parlementaires constitués, ceux qui auront choisi l'opposition doivent en informer par écrit la présidence de la Chambre. Cette déclaration sera, ensuite, publiée au BO. Ce n'est qu'à ce moment que se fera la répartition officielle pour des partis représentés au Parlement entre la majorité, l'opposition et ceux qui soutiennent la majorité sans faire partie du gouvernement. En attendant, c'est le secrétaire général qui est aujourd'hui aux commandes. Une fois que la majorité s'est mise d'accord sur la présidence de la Chambre, c'est à lui d'aviser le plus âgé parmi ceux qui ont accumulé le plus grand nombre de mandats et le plus jeune pour présider la séance d'ouverture pendant laquelle sera désigné un bureau provisoire formé de quatre députés, deux hommes et deux femmes, parmi les plus jeunes. La mission de ce bureau sera très limitée. Il dirige la séance d'élection du président de la Chambre et en attendant, il fait lecture de la liste officielle des élus, ordonne sa publication au Bulletin officiel et informe les membres de la Chambre des décisions du Conseil constitutionnel pour ce qui est des recours en contentieux électoral. Aucun texte ne peut être débattu et adopté sous sa direction.