Ariel Sharon et Shimon Peres, deux dirigeants, de haut niveau se voient imposer pourtant de l'intérieur, toutes sortes de manœuvres uniquement pour survivre au pouvoir. Mercredi dernier, le gouvernement israélien a subi une défaite à la Knesset (Parlement), sur son projet de budget 2005, par 69 voix contre et, seulement, 43 pour et 8 absents au vote. Les 69 voix se composent de 21 Travaillistes, 13 Shinouï, 9 Shass (Orthodoxes séfarades), 7 Union nationale (Extrême droite), 6 Ensemble (Gauche), 5 Union religieuse nationale, 8 députés arabes israéliens, soit toute la collection de la gauche et des modérés à l'extrême droite civile et religieuse, en passant pas les Arabes israéliens… Tandis que les 43 voix pour Sharon ne comprennent que 38 du Likoud et 5 de l'Unité de la Torah (Orthodoxes, ashkénazes, chèrement payés). Dès le lendemain, Ariel Sharon, qui n'a pas été un instant préoccupé par sa défaite, - apparemment -, a convoqué les ministres du Shinouï pour leur remettre leurs lettres de révocation. Sharon avait compris qu'il n'avait aucune chance, face à la pression de son Comité central, de planifier une coalition Likoud-Shinouï-Travaillistes pour remplacer les religieux. Il avait donc, accepté qu'il ne pourrait imposer les Travaillistes qu'en accueillant les religieux orthodoxes (ashkénazes) ayant convenu de « vendre » leurs 5 députés. Et d'essayer également de convaincre le Shass (sépharades) d'accepter, enfin, le désengagement comme « un retrait territorial contre la paix », selon leur loi religieuse fondamentale. A présent, Shimon Peres doit affronter certains dirigeants de son parti qui exigent le retrait de la coalition avec Sharon, dès la réalisation du désengagement de Gaza, pour faire avancer la date des élections prévues en novembre 2006. « Je veux rester au gouvernement après le désengagement et être présent au parcours suivant, a dit Shimon Peres, selon le quotidien Haaretz. Cela ne se terminera pas avec le retrait qui doit être suivi du retour à la « feuille de route ». Nous devrons être partenaire, si nous voulons exercer notre influence. Sans modestie, a ajouté Shimon Peres, j'estime que notre image dans l'opinion internationale et nos relations avec les Palestiniens joueront leur rôle, au moment critique». Selon l'analyste de Haaretz, Yossi Verter, Sharon et Peres ont un égal intérêt à une telle alliance de longue durée. Elle éloignera les perspectives d'élections générales et les confrontations internes qu'attendent chacun d'eux, dans son propre parti, avec Benyamin Netanyahou face à Ariel Sharon et Ehoud Barak face à Shimon Peres. Au parti travailliste, on est déjà convaincu que le « gouvernement d'union » sera formé rapidement et que les élections seront repoussées au moins d'un an. D'autant que les dirigeants travaillistes, - à l'exception de Ehoud Barak -, sont des postulants à des postes de ministres… C'est pourquoi les Travaillistes confirment à Ariel Sharon qu'ils acceptent, comme déjà dit, la compagnie des Orthodoxes (Harédim), chèrement payés pour leur entrée dans la coalition nouvelle (plus de 65 millions de dollars !). Mais aussi d'aider à mieux faire avaler aux électeurs du Likoud, leur union, normalement problématique, avec la gauche. En effet, Benyamin Netanyahou, ministre des Finances, refuse les Travaillistes au gouvernement. Le rejet de son budget par le Parlement et le départ du Shinouï ayant refusé de s'unir aux religieux orthodoxes, l'enferment dans un piège, en sa qualité de gardien de l'économie ultra libérale. Il aurait bien voulu, à son habitude de concurrent, adversaire d'Ariel Sharon, saboter l'élargissement du gouvernement, car l'entrée des Travaillistes, écrit Yossi Verter « lui rognera les ailes et affaiblira sa position ». Benyamin Netanyahou, homme d'extrême droite, est un véritable ennemi de tout accord dans le conflit avec les Palestiniens. Il espère pouvoir, dans la situation curieuse d'une union avec les Travaillistes, voter sans cesse contre le retrait de Gaza et du Nord de Cisjordanie et sans crainte d'avoir à être révoqué du gouvernement. Car, rappelons-le, avec l'apport travailliste indispensable à la survie du gouvernement d'Ariel Sharon, le plan de désengagement ne peut plus être rejeté. Benyamin Netanyahou pourra, aussi, se quereller sans cesse, et tous les jours, avec Shimon Peres et ses amis travaillistes pour plaire aux membres du Comité central de son parti… C'est pourquoi, un autre analyste du quotidien Haaretz, Akiva Eldar, écrit « la déesse de l'histoire a rendu un grand service au camp de la paix». Les «rebelles» du Likoud, et surtout à Sharon qui, lui, se pose en patron, ne sont pas les mêmes que ceux ayant agi contre Menahem Begin. Ce chef créateur incontesté de la droite qui avait négocié l'accord de paix avec Anouar Al Sadate, en évacuant le Sinaï. Il n'a pas eu besoin, alors des voix des travaillistes pour faire « avaler » cette décision à ses militants, apparemment, moins extrémistes que ceux auxquels Sharon se confronte. La crise politique en Israël, semble être constituée d'une série de circonstances de combats personnels immédiats, voire même d'affrontements idéologiques. Elle apparaît comme un processus de la passation du pouvoir des dirigeants aux militants de base, à ceux du terrain. Ceci semble vrai tant pour les travaillistes de Shimon Peres, que pour le Likoud d'Ariel Sharon. Ces deux dirigeants, du plus haut niveau pourtant, se voient imposer de l'intérieur, « toutes sortes de manœuvres uniquement pour survivre au pouvoir ». Alors que la vraie menace ne venait, autrefois, que des autres partis concurrents… L'analyste Akiva Eldar, de son côté, va encore plus loin. Il parle d'une « élection directe et d'un téléphone portable qui rapprochent les candidats du terrain »… et donc le terrain de la direction, doit-on dire ! Un député du Likoud raconte : « Quand je suis entré en politique, les parents n'avaient pas de téléphone. Aujourd'hui chaque membre d'un comité politique a dans son calepin les numéros des « portables » de tous les députés. Chaque candidat au Parlement, doit donc s'engager à ne pas changer son numéro de portable une fois élu… ». Cet appareil moderne rapproche effectivement les dirigeants du terrain, d'autant que chacun les voit, tous les jours, à la télévision ou lui donnent une tape sur le dos à chaque rencontre. « Il est naturel que cela impose une impression de force aux militants ». Un autre ancien du parti de Sharon, devenu semble-t-il lucide, sinon moins démagogue, reconnaît que la nouvelle réalité « a poussé le Likoud à un carrefour qui exige, à présent, une décision historique : des militants optant pour la démocratie (le gouvernement du peuple) aux dépens de la colonisation ». En effet, ceux qui préfèrent l'intégrité territoriale à la démocratie et à l'égalité, s'écartent, enfin, de la voie ancienne et traditionnelle de leur mouvement politique de droite: Ceux qui sont restés par fanatisme dans la voie dépassée, contraire aux intérêts de leur pays qui a besoin d'une paix pour assurer sa sécurité. Cette sécurité devenue indispensable à chacun, à chaque famille, ne peut plus être obtenue que par la création de l'Etat palestinien viable, et non pas seulement, en dégageant la bande de Gaza et quelques colonies du Nord de Cisjordanie… D'autant que le président Housni Moubarak ayant dit, en public et en arabe « Sharon est un homme de paix », celui-ci a déclaré, en public: « C'est la dernière mission de notre génération, nous les vétérans de la politique, d'arriver à un accord avec les Arabes et les Palestiniens… Moi, Sharon, je compte remplir à fond cette mission ». Il a, donc, besoin de deux autres leaders, Shimon Peres et Obadia Yossef, pour les mobiliser dans la mission géante de leur génération: la Paix…