Nous devons être conscients que notre modèle politico-religieux est ce qui nous a protégés hier du panarabisme, du marxisme, des hivers arabes destructeurs et qui aujourd'hui se met en première ligne contre un certain salafisme exclusif et dominateur. Difficile d'aborder les vrais problèmes lors de cette campagne électorale, le quotidien des Marocains est noyé sous un flot de faux débats dont justement l'objectif est de passer par pertes et profits les légitimes questions autour d'un bilan et pour un projet. Je voudrais –avec son autorisation- rebondir ici sur l'analyse d'un jeune quadra, qui représente à merveille cette génération qui aujourd'hui doit se préparer à être aux commandes, Hicham Khayat. Voici sa lecture: «Un parti de gauche se réclamant du progrès et du socialisme qui s'allie à un parti conservateur se réclamant de la religion musulmane ne le fait pas sur une base idéologique selon toute évidence. La motivation est donc autre. Est-ce un amour fraternel? Benabdellah n'a-t-il pas pleuré en parlant de Benkirane dans ses meetings? Mais on peut aussi légitimement penser que la motivation réelle est un accord mutuel sur le partage du futur pouvoir gouvernemental. Si victoire il y a. La démocratie marocaine est naissante. Elle ne pourra pas progresser à ce stade sans une maturation de ses électeurs (grâce à une meilleure éducation, une culture de masse vivante et des médias de qualité). On jugera alors notre propre maturité sur le niveau d'analyse des programmes politiques proposés par les uns et les autres (leur intelligence collective, leur imagination politique et la compétence de leurs cadres), sur leur engagement réel à respecter leurs promesses (leur moralité, leurs actes passés), et non sur leur religiosité comme on peut la prendre pour argent comptant sur de simples paroles en l'air. Alors on brandit un ennemi commun : le Tahakkoum (ce qui peut dédouaner les échecs passés, rendre inutile toute notion d'engagement ou de libre arbitre, et placer ses promoteurs sous la protection de la sphère morale de la victime). Si cela est vrai alors ce gouvernement aurait dû démissionner. Si c'est faux, alors ces leaders politiques sont d'une espèce politique que ce pays se doit de ne pas cultiver. Quand un chef de parti se pose en sauveur hier et en garant demain de la stabilité du pays, quand il invoque Ibn Taymya dans ses meetings publics, alors ce mot de Tahakkoum est le poison le plus violent jamais administré à notre jeune démocratie… Car il la vide de sens. Dernier point, nous devons être conscients que notre modèle politico-religieux est ce qui nous a protégés hier du panarabisme, du marxisme, des hivers arabes destructeurs et qui aujourd'hui se met en première ligne contre un certain salafisme exclusif et dominateur. Toutes idéologies importées et toutes porteuses de violence et de ruine. Notre stabilité remarquable, enviée et qui est source et condition de notre développement: voilà notre bien le plus précieux. L'absence de vision, de discussion sereine autour des bilans, des programmes, des enjeux, des menaces et des opportunités de «l'entreprise Maroc», même au sein des élites, est un symptôme inquiétant». Voici en termes clairs et accessibles ce qu'il faut comprendre de l'état actuel de la campagne qui s'ouvre : bilan, programmes, choix de société, tout ce qui fera notre avenir est escamoté au profit d'un écran de fumée qui finira par nous empoisonner.