En imposant le thème du «Tahakkoum» (le contrôle), Abdelilah Benkirane a créé une ambiance très peu démocratique. Des observateurs, non affiliés au PJD, parfois qualifiés de modernistes, en arrivent à écrire que la seule issue en faveur de la démocratie serait la victoire des islamistes, et que tout autre choix des électeurs nous ramènerait en arrière, voire à l'instabilité. Jamais dans l'histoire contemporaine du Maroc un parti, même l'USFP au temps de sa gloire, n'a fait de sa victoire l'alpha et l'oméga de la construction démocratique. C'est un processus vicieux parce qu'il démobilise les électeurs. Or, sans adhésion populaire, les institutions représentatives n'ont aucune légitimité, ou alors très relative. Le taux de participation est un enjeu majeur, indépendamment des résultats, parce qu'il renseigne sur la santé d'une démocratie, même en construction. Ensuite, il est dangereux de nier le pluralisme des sensibilités politiques, en plus du PAM, l'USFP, le PPS, l'Istiqlal, le Mouvement Populaire et le RNI existent, sont structurés, ont des relations historiques avec les électeurs, avec des ADN très différentes. Ce faux paysage nous empêche d'avoir un vrai débat public sur les projets, les visions des uns et des autres. Sur le plan sociétal, la présence de salafistes jihadistes sur les listes de différents partis, y compris le PJD, pose problème. Mais au-delà, le pays est confronté à des défis extraordinaires. Sur le plan sécuritaire, notre environnement au sud et à l'est est des plus inquiétants. L'opération Al Guergarat en est le meilleur symbole. Nos échecs patents, stratosphériques, sur l'éducation et la santé, interpellent tous les citoyens et devraient être au coeur de la campagne électorale. De même que l'économie en panne pose la problématique du modèle de développement, qui ne peut être que le produit d'une vision, d'un projet sociétal. Nous sommes loin de ce débat, parce que certains ont préféré imposer un autre, factice, qui sert leurs intérêts, croient-ils. Pour combattre le «Tahakkoum», le meilleur moyen c'est de mobiliser autour d'un projet, en présentant des candidats disposant de compétences pour le mettre en oeuvre et non pas des extrémistes religieux. Les Marocains ont le droit de choisir en discutant le bilan de la majorité sortante, en auscultant la pertinence des propositions des uns et des autres, en optant pour une vision déclinée, non pas en slogans creux, mais en mesures détaillées. L'attitude actuelle considère que l'électeur, le Marocain, est incapable de s'élever au niveau de choisir entre des politiques publiques. Il ne serait sensible qu'à des propos faisant appel à des sentiments ou à la pression sociale. C'est oublier que les jeunes ont accès à une surinformation et qu'ils ont le désir d'un débat public aux standards les plus élevés. C'est un manque de respect aux électeurs que de réduire l'intérêt de leur vote au rang d'un parti.