Pour l'économiste Driss Benali, la baisse du dollar par rapport à l'euro entraîne des impacts divers, dépendamment de chaque secteur d'activité. Elle n'en révèle pas moins l'éternelle problématique de la compétitivité du produit marocain dans un marché international rudement concurrentiel. ALM : Quelle est votre lecture de la baisse enregistrée du dollar face à l'euro. Et quel est à votre avis son impact sur l'économie marocaine ? Driss Benali : Il n'y a pas une seule lecture à faire de cette hausse de l'euro par rapport au dollar mais au moins deux interprétations possibles, dépendamment du secteur d'activité concerné par cette hausse. La première serait avantageuse pour des secteurs exportateurs où le Maroc dispose déjà d'un avantage compétitif. Le Maroc a également des avantages à tirer de la baisse du prix du pétrole, acheté en dollar dans les marchés internationaux, ce qui permettra relativement d'amortir le choc de la hausse des prix de cette ressource. Ceci étant, cette baisse du dollar ne sera pas sans avoir un impact direct sur la compétitivité de produits marocains destinés à l'export, la baisse du dollar profitant davantage aux pays concurrents du Maroc, notamment les pays d'Asie dont la monnaie de facturation n'est autre que le dollar, ce qui n'est pas notre cas. Le Maroc étant à 60% indexé sur l'euro. Il ne faut pas oublier que même vis-à-vis des Etats-Unis, avec lesquels le Maroc est engagé sur le plan commercial, cette baisse du dollar nous sera défavorable. Si des secteurs comme les agrumes et le tourisme peuvent, en effet, tirer profit de cette baisse, d'autres, comme les phosphates et le textile en premier, se voient pénalisés ? Ce sont les aléas de l'économie de marché auxquels aucun pays n'échappe actuellement. Il est clair que dans la configuration actuelle, les flux financiers générés par des secteurs comme le tourisme, ainsi que les transferts des Marocains résidant à l'étranger sont un avantage pour l'économie marocaine. Mais c'est sans compter les secteurs productifs dans lesquels la situation reste contrastée d'un secteur à l'autre et dans lesquels l'effet d'entraînement est réduit à une approche mécanique qui n'obéit pas aux spécificités de chaque secteur, encore moins aux réalités du marché. . Existe-t-il des scénarii à même de limiter les fâcheuses conséquences de cette baisse ? Le coût de l'euro et du dollar sont fixés à des niveaux qui dépassent les seuls pays. Même si des scénarii échappatoires sont envisageables, je ne vois pas comment est-ce qu'on peut échapper à quelque chose qu'on ne maîtrise pas. Pensez-vous qu'une éventuelle dévaluation du dirham peut-elle participer à minimiser les dégâts ? Cela fait quelques années qu'il est question de dévaluer le dirham par rapport au dollar. Mais cette dévaluation entraînerait une hausse du coup de production. La flambée que pourrait générer un tel procédé sur les prix d'importation de matières premières est loin d'être négligeable. Les conséquences à moyen terme seront graves, même s'il n'est dit nulle part que le dollar ne pourrait pas augmenter de nouveau. Etablir des pronostics à ce niveau est cependant synonyme de spéculation. Ce qui est en cause en vérité, c'est bien la compétitivité du produit marocain, proie à une concurrence rude de la part de certains pays, à commencer par la Chine, qui ont depuis longtemps miser sur des secteurs comme le textile pour en dominer les contours et dont la capacité de production et de commercialisation se trouve maintenant dopée par la dégringolade du billet vert. Plus qu'un incident conjoncturel, qui pénalise bien d'autres pays, notamment ceux de l'Europe, ce sont à mon avis les conséquences de toute une vision protectrice de notre économie. Une vision qui s'effondre au même titre que ses avantages.