Même les commerçants qui se sont résignés au changement ne peuvent s'empêcher de se préoccuper du sort de leurs marchandises entassées sur les étagères des magasins. Ce vendredi 1er juillet la loi n°77-15 entre en vigueur. Mais alors que certains sont enthousiastes de voir les sacs en plastique (Mika) disparaître, d'autres ne savent plus à quel saint se vouer. Depuis la prise de décision de l'application de la loi interdisant la fabrication, la distribution ainsi que l'utilisation des sacs en plastique, plusieurs commerçants de «Mika» voient leur avenir tourner au cauchemar. C'est ce qu'ont dévoilé à ALM plusieurs propriétaires de fonds de commerce à Casablanca. En effet, depuis plus d'une dizaine d'années, les petites boutiques de sacs en plastique se sont installées progressivement dans certains quartiers commerciaux afin de desservir les autres commerces et détaillants ambulants en sacs d'emballage. A l'approche de la date fatidique du 1er juillet, la plupart pensent déjà mettre la clé sous la porte. «Nous n'avons pas encore de solution alternative», nous confie Yassine, propriétaire de l'un de ces magasins. Et de poursuivre: «Nous savons tous que les sacs en plastique sont nuisibles à la santé et à l'environnement, et qu'il faut les supprimer. Mais, nous avons besoin de plus de temps pour nous acclimater». Un peu plus loin, Abderrazak, fabricant et revendeur lui aussi, tient les mêmes propos: «J'ai fermé mon commerce depuis une semaine. J'ai dû congédier cinq filles qui travaillaient pour moi, et je ne suis pas le seul. Ici, dans le quartier où je suis installé, on trouve au moins quatre employés dans chaque boutique de vente de sacs en plastique. Ces employés sont très souvent responsables de familles». Le début de la fin pour la «Mika» Au niveau des consommateurs, les habitudes commencent déjà à changer. On n'achète plus de sacs en plastique dans les souks pour les courses et c'est le panier en osier qui prend le dessus. «Les détaillants sont de moins en moins nombreux, et la demande en sacs en plastique se fait rare. Nous aurons du mal à liquider tous nos stocks d'ici le 1er juillet», nous raconte Abderrazak. En effet, même les commerçants qui se sont résignés au changement ne peuvent s'empêcher de se préoccuper du sort de leurs marchandises entassées sur les étagères des magasins. «J'ai encore à peu près quatre tonnes de marchandise, pour les quelques jours qui restent», nous explique Adil, employé dans un autre magasin spécialisé. Et de poursuivre : «Avant le passage des campagnes de sensibilisation à la télé, j'avais des clients détaillants qui achetaient la «Mika» au kilo quotidiennement, parfois même deux à trois fois dans la même journée. Maintenant je ne les vois que tous les trois jours, si ce n'est pas une fois par semaine». Il faut dire que les vendeurs de sacs en plastique ont plusieurs raisons de s'inquiéter. La loi n°77-15 est on ne peut plus claire et les sanctions risquent de tomber. «On nous a parlé d'amendes et de saisies, mais on ne sait pas réellement ce qui va se passer à partir du 1er juillet», confient les opérateurs du secteur. Pas de «Mika», pas de ventes... Abdellah est une autre victime de la guerre déclarée aux sacs en plastique. Pour ce vendeur ambulant de petit-lait dans un petit marché casablancais, supprimer la «Mika» équivaut à assurer moins de ventes par jour. «Généralement les clients sont juste de passage. En faisant leurs courses, ils sont tentés de s'approvisionner en petit lait et en achètent sans réfléchir. Maintenant, ils vont devoir rentrer chez eux et ramener une bouteille en verre. Certains ne prendront pas la peine de revenir», raconte Abdellah. Pareillement, les vendeurs de poisson, de fruits, de viande, d'épices et d'olives restent perplexes face aux changements forcés qui s'opèrent dans les habitudes des Marocains. Et même au niveau des consommateurs, des questions se posent toujours. Comment va-t-on faire pour le poisson ? Va-t-on devoir sortir à chaque fois avec des boîtes en verre pour acheter un peu de viande ? Une guerre et des victimes... Certes, l'application de la nouvelle loi n°77-15 permettra au Maroc de s'inscrire à la tête des pays d'Afrique en termes de développement durable, mais est-ce juste de supprimer la «Mika» en l'espace de moins d'un mois alors que pour plusieurs il s'agit de leur gagne-pain ? En effet, la toute puissante «Mika» représente tout un écosystème. Du fabricant aux consommateurs, des milliers de commerçants en font leur principale source de revenus et le centre de leur business. Pour ces gens-là, les choses sont claires : ce n'est pas qu'ils sont contre la suppression de la «Mika», mais ils critiquent la façon dont la loi a été imposée. «La transition devrait se faire d'une manière progressive et non soudaine», protestent-ils. Une position qui se veut légitime au vu de leur situation. En tout cas, la guerre contre la «Mika» promet de faire des étincelles... Maryem Laftouty (Journaliste stagiaire)