Toujours en attente d'être signé par les deux camps, l'accord de cessez-le-feu n'a pas empêché dimanche les forces rebelles comme loyalistes de se concentrer autour de la ville de Bouaké où la tension est extrême. Bouaké, au centre de la Côte d'Ivoire et aux mains des rebelles depuis les premières heures du soulèvement le 19 septembre, est désormais la ville de toutes les attentions. Théâtre samedi d'une importante marche de protestation populaire contre le régime ivoirien, elle semblait dimanche se préparer à un affrontement de taille -annoncé depuis des jours par le ministère de la Défense- entre les mutins et l'armée loyaliste. En provenance de Mbahiakro, à 90km de Bouaké, une colonne de FANCI (Forces armées nationales de Côte d'Ivoire) traversait déjà la ville de Brobo, située à seulement une vingtaine de kilomètres à l'est de la deuxième ville du pays, dans la matinée. Cinq véhicules, dont des jeeps et un pick-up armé d'une mitrailleuse lourde, étaient par ailleurs arrivées sur place, tous près des troupes françaises encore stationnées près de l'école internationale malgré l'évacuation des ressortissants. Selon des observateurs, les soldats gouvernementaux ont apparemment reçu l'ordre d'avancer, mais pas encore d'attaquer. Intimidation ? Démonstration de force ? Ce déploiement de l'armée fidèle au président Gbagbo s'est déroulé parallèlement à celui effectué par les rebelles. Une douzaine, samedi soir, puis une quarantaine, dans la nuit, de leurs véhicules avaient en effet quitté Korhogo, située au nord, en direction du centre. Le convoi, auquel se sont joints des militaires habituellement en faction sur des barrages autour de la ville, emportait notamment des canons et des mitrailleuses A-52, selon les journalistes présents. «Si Gbagbo veut la paix, on y va. Mais s'il veut la guerre, on y va aussi», leur a lancé un des mutins. Que ce soit pour signer l'accord de cessez-le-feu ou pour mener une offensive militaire certainement décisive, les deux camps adverses semblaient ce dimanche tout miser sur Bouaké. Malgré la confusion régnante. Samedi le chef des mutins de Korhogo, l'adjudant-chef Massamba Koné, avait en effet affirmé qu'il n'était «plus question de cessez-le-feu» entre les autorités ivoiriennes et son mouvement. Au même moment, le porte-parole des mutins de Bouaké, Tuho Fozié, déclarait pourtant que tout était encore possible, tout comme un membre de la mission de médiation ouest-africaine sur le terrain depuis une semaine. Qu'est-ce qui retarde donc cette fin annoncée des hostilités ? Selon le ministre malien des Affaires étrangères, cette signature a dû être reportée samedi, «faute d'un document officiel donnant pouvoir au représentant d'Abidjan », le lieutenant-colonel Philippe Mangou, de signer l'accord. L'entérinement de ce dernier avait déjà été reporté une première fois vendredi en raison «d'hésitations» des deux parties. Ce projet prévoit l'instauration d'un cessez-le-feu sous la supervision de la CEDEAO et de l'Union africaine, et interdit aux rebelles d'introduire des armes sur le territoire ivoirien. En attendant son application, l'insurrection, lancée voilà plus de deux semaines, a continué ce week-end de diviser la population ivoirienne. De nouvelles manifestations contre le président Gbagbo et le rôle de la France ont ainsi eu lieu samedi, notamment à Bouaké où entre 200.000 et 300.000 manifestants ont défilé dans la principale artère de la ville. A Abidjan au contraire, ils étaient quelques milliers à soutenir le régime actuel. La fracture semble s'installer entre le Nord et le Sud.