Au lendemain des législatives, les procédures judiciaires dans un certain nombre d'affaires reviennent sur le devant de la scène. Les milieux d'affaires s'inquiètent. La forte demande de justice devra aussi s'accompagner d'assurances en direction des investisseurs et des opérateurs économiques. La nouvelle, inattendue, s'est propagée comme une traînée de poudre parmi la bonne société rbatie et casablancaise : Abdellatif Laraki a été arrêté. Rattrapé par des affaires du temps où il était P-DG de la Banque Populaire. L'interpellation est survenue dans la matinée du vendredi 4 octobre suite à une convocation de la BNPJ à Casablanca. Après avoir pris connaissance des faits qui lui sont reprochés, il sera embarqué sur le champ. Direction : la Cour spéciale de justice à Rabat. Ici, le procureur lui lit de nouveau les chefs d'accusation qui pèsent sur lui. L'accusé passera la nuit de ce vendredi à la prison Zaki de Salé où il est placé sous mandat de dépôt en attendant l'ouverture du procès prévue normalement aujourd'hui, lundi 7 octobre. La veille de son interpellation, Abdellatif Laraki, fidèle à son image de joyeux drille et de joueur invétéré, a fait comme chaque jeudi une partie de bridge au club de Golf de Casablanca. “ Il avait comme toujours l'air insouciant. Mais j'ai trouvé qu'il avait beaucoup maigri“, nous a confié un habitué des lieux. Abdellatif Laraki n'est pas seul à être envoyé à l'ombre, ce jour-là. Avec lui d'autres compagnons d'infortune : Hicham Aït Menna, fils du célèbre homme d'affaires de Mohammedia, Mohamed Benkirane, ex-directeur général de la BP à Paris et deux autres responsables de la banque. Alors de quoi s'agit-il ? Il s'agit d'une affaire de prêt de plus de 22 millions de FF consenti en 1996 par la Banque Populaire Paris pour une société de négoce de droit français dont les promoteurs voulaient se lancer dans la téléphonie et l'électroménager. Les principaux actionnaires de cette entreprise sont Les Ohayon. Une famille marocaine installée depuis une vingtaine d'années à Paris : le père Albert, son fils Michael et sa fille Jennifer. Cette famille contrôle à elle seule près de 90% de l'actionnariat. Le reste est détenu par un Marocain du nom d'Abderrahim, dit Rahim. Celui-ci, actuellement retranché au Canada, est rentré dans cette opération comme homme de paille de Hicham Aït Menna qui a payé tout de même une caution personnelle de 1 million de FF. La gérance de l'affaire était confiée à un homme du nom de Roger, qui n'est autre que le Beau-frère d'Albert Ohayon. Celui-ci, qui parle un arabe dialectal parfait, vient régulièrement se ressourcer dans son pays natal. Albert a passé ses vacances du mois d'août dernier à El Jadida. Or ce qui était présenté au départ comme un projet ambitieux, avec des points de vente partout en France, ne tardera pas à péricliter. La faillite totale. Dans des circonstances sujettes à caution. Quant à l'emprunt , il ne sera jamais remboursé. Drôle d'histoire, d'autant plus que les Ohayon possèdent un magasin florissant qui a pignon sur rue à Paris : Sajil sise à 242 rue Rivoli. Une maison prestigieuse connue de la jet-set marocaine où elle fait ses emplettes. Une maison spécialisée dans l'art de table, bijouterie et montres de luxe, qui représente les grandes marques comme Haviland, Puiforcat, Chopard, Piaget, Boucheron et Cartier…. En tant que patron de la banque, Abdellatif Laraki, tout comme les banquiers de la BP Paris, a-il prélevé sa dîme au passage ? S'agit-il d'une opération de détournement de fonds sous couvert de projet d'investissement ? Une chose est sûre: “Les Ohayon ont obtenu ce crédit grâce à leurs relations privilégiées avec M. Laraki“, note un ami des Aït Menna. On dit même que M. Laraki est associé dans Sajil. Ce qui reste à vérifier. En tout cas, la commission bancaire française, l'équivalent de Bank Al-Maghrib, avait saisi à plusieurs reprises les autorités financières marocaines au sujet des nombreuses irrégularités constatées dans la comptabilité de la BP Paris. “L'affaire des Ohayon ne représente qu'un dossier litigieux parmi tant d'autres“, indique de son côté un expert financier. Mais que vient faire Hicham Aït Menna dans cette histoire ? Ce dernier, dit-on, a connu les Ohayon quand il faisait ses études de polytechnicien à Lausanne et menait des escapades de fils de riche dans la capitale française. Il avait alors 23 ans. “ C'est une erreur de jeunesse. Hicham s'est fait avoir“, explique un ami de l'intéressé. “ Hicham est un garçon merveilleux, qui répand le bien autour de lui. Il vient de finir la construction d'un centre de dialyse à Mohammedia“, renchérit un autre intime. De retour au bercail en 1997, Hicham s'occupe de la gestion de certaines sociétés familiales, notamment Gourvenec (emballage métallique) et Somarobinet (robinetterie). Chez les Aït Menna, c'est la mine des mauvais jours. Une atmosphère de deuil ou presque. D'autant plus que Hicham, âgé aujourd'hui de 30 ans, est le chouchou de ses parents. De son père surtout, le richissime Haj Mohamed, rentré en catastrophe de France où il était sous contrôle médical. Dès qu'ils ont appris la nouvelle, les amis de Hicham se sont rendus dans le domicile de la famille à Mohammedia, histoire de la réconforter et de lui remonter le moral suite à cette dure épreuve. “Les Aït Menna sont disposés à régler la dette de leur fils s'il le faut à condition qu'il soit relâché“, déclare un proche. Même ambiance de tristesse chez la famille Laraki. Quelques membres de cette dernière font bloc autour de la femme de l'ex-P-DG de la BP, Yasmina Berrechid, dans son appartement près du Lycée Descartes à Rabat. Les amis de Si Abdellatif, ceux qui ont profité de ses largesses quand il était à son apogée grâce à l'argent des autres qui coulait à flots, n'ont pas vraiment afflué. Tout juste pâtissent-ils en privé du sort qui lui a été subitement réservé tout en ajoutant que l'intéressé en avait fait trop. Frappé d'une mesure d'interdiction de quitter le territoire après son départ de la banque en 1997, Abdellatif Laraki a cru qu'il s'est tiré d'affaire et qu'il ne sera jamais inquiété. Il fut conforté dans cette certitude par le fait qu'il avait réglé il y a quelques années une grosse somme d'argent à l'Office des Changes au titre de pénalités pour son hôtel particulier de Paris.