Plus de 14 millions d'électeurs sont aujourd'hui appelés aux urnes. Le premier enjeu de ce scrutin est le taux de participation. De la réussite de ces législatives dépend dans notre pays l'avènement d'institutions représentatives crédibles et capables de relever le défi de la démocratie et du développement. Quelle que soit l'issue des élections législatives, le ministère de l'intérieur aura énormément gagné en crédibilité, assiduité et transparence. De l'avis de tout le monde, ces échéances ont même donné un nouveau visage à un département qui a été mis à l'index pendant des décennies. S'il y a unanimité ou presque dans le vote, elle sera en faveur d'un ministère qui a su accorder les violons de tous les partis politiques dans leurs grandes diversités. Le fait même que ces élections se déroulent selon le calendrier qui leur a été fixé est une preuve d'une transition démocratique réussie. D'autant plus qu'un certain moment, la rumeur et les velléités de certains partis politiques ont laissé courir le spectre du report de ces législatives. Mais c'était sans compter sur la ténacité d'un gestionnaire attitré comme le ministre Driss Jettou. En deux temps, trois mouvements, le code électoral a été confectionné sur la mesure des propositions et des revendications des partis politiques. Pourtant, tout le monde craignait que l'élaboration du mode de scrutin par liste ainsi que tout le montage technique qui s'en suit ne soient pas menés à terme. Mais le ministre Driss Jettou, qui a pris le train en marche, a su mettre assez de carburant, en volonté, moyens humains et matériels, pour que la locomotive passe à sa vitesse de croisière. Certes, quelques mécanismes de cette machine n'ont pas été assez huilés pour atteindre la perfectibilité. Mais il est clair qu'en un laps de temps, mettre en oeuvre tout un système de mode de scrutin qui n'est pas assimilé par tout le monde n'est nullement une sinécure. Il n'en demeure pas moins que le scrutin par liste a changé les mœurs de nos élections et que le bulletin unique a totalement déjoué les manœuvres des corrupteurs. Ce qui est plus rassurant dans ce changement radical de la loi électorale, c'est que le ministère de l'intérieur a joint l'acte aux textes qu'il a élaborés en ce qui concerne la neutralité des agents d'autorité. Des caïds, des chioukhs et des mokaddems qui ont essayé d'enfreindre la loi ont été immédiatement suspendus. L'effet de cette application stricte de la loi a été tellement dissuasif que personne parmi les agents d'autorité n'a plus osé trempé dans l'ancienne sauce de la falsification électorale. D'autant plus, et c'est une première au Maroc, qu'un gouverneur (Azilal) n'a pas échappé au couperet de la loi pour l'avoir transgressée. La leçon de la suspension fut magistrale et pour une fois les partis n'ont trouvé rien à redire quant à la neutralité active du département de l'intérieur. Il est vrai que certaines dispositions du code électoral ont suscité des critiques qui paraissent fondées, notamment en ce qui concerne la fiabilité de la liste électorale et des cartes d'électeurs. Dans plusieurs régions, des cas de confection de doubles cartes pour une même personne, voire la délivrance de cartes d'électeurs appartenant à des personnes décédées, ont été recensées. Mais il est évident que ces failles, beaucoup plus techniques qu'intentionnelles, ne sont sans commune mesure avec les magouilles des élections précédentes. À part ces lacunes, la plupart des dispositions du code électoral répondent aux revendications des partis, même si certaines d'entre elles ont été contestées. Il s'agit notamment du bulletin unique que certains estiment trop complexe pour qu'il soit bien assimilé par les électeurs analphabètes. Il est vrai que le risque est grand, mais la campagne de communication du ministère de l'intérieur et des partis politiques pourrait atténuer la difficulté qu'il pourrait susciter. Ceci étant, le bulletin unique répond à la demande des partis qui l'ont jugé utile pour lutter contre l'achat des voix. Un argument qui semble avoir atteint son but dans la campagne électorale. Il en est même pour le choix des logos, dont certains ont critiqué le principe en arguant qu'il est primaire et qu'il constitue une marche en arrière pour le Maroc moderne. Soit, mais il faut se rendre à l'évidence et convenir que les logos, aussi simples ou simplistes qu'ils le soient, restent le seul outil de distinction pour une population à majorité analphabète. La démocratie, tout comme l'alphabétisation de la population, ne se décrète pas d'un jour à l'autre. L'essentiel est de trouver le moyen adéquat pour avancer dans un processus qui ne peut être parfait mais qui est assurément perfectible. Maintenant, l'Etat a fait son devoir en s'investissant loyalement dans une opération électorale avec la transparence et la neutralité voulues par les partis. Ce n'est qu'un pas vers un avenir meilleur que les électeurs devraient absolument compléter en allant voter aujourd'hui pour le Maroc de demain. Le vote est un droit civique, mais il est aussi un devoir national qui engage chacun de nous qu'il soit de gauche, de droite, de centre ou de n'importe quelle tendance. L'essentiel, c'est de ne pas raisonner en défaitiste qui ne croit en rien et qui voit toutes les couleurs en noir. Ce raisonnement est une démission de la vie politique et par conséquent un reniement à la société dans laquelle on vit. Votez pour qui vous voulez, c'est la loi de la démocratie. Mais sachez que l'acte de vote est aussi important que l'avenir de vos enfants, que la couverture médicale, que la lutte contre le chômage, que la généralisation de l'enseignement et bien d'autres besoins de tout citoyen.