Interview. Brahim Boulami a le mental en acier. Il nous l'a prouvé hier matin en nous accordant la première interview depuis le déclenchement de ladite affaire de dopage. Toute la conviction d'un athlète qui a la conscience tranquille et les jambes bien solides. ALM : Après le séisme de votre présumé dopage à l'EPO, comment va le mental de notre champion mondial? Brahim Boulami : Après le choc des deux premiers jours, j'ai pu, grâce à ma foi en Dieu et à ma solide conviction que je ne suis pas fautif, retrouver un mental de fer qui m'a mis définitivement à l'abri de toute forme de désespérance. Ceci étant, il faut que l'opinion publique marocaine, qui m'a soutenu de bout en bout, sache que le résultat d'une simple analyse n'est pas synonyme de dopage. D'autant plus que l'EPO est une substance secrétée par le corps humain et que, ce faisant, elle risque d'induire en erreur les scientifiques quant à sa nature synthétique. Pendant les moments difficiles qui ont suivi l'annonce de cette nouvelle, avez-vous senti que vous étiez soutenu par vos compatriotes, qu'ils soient des officiels ou de simples inconnus ? Non seulement j'ai été soutenu par tout le monde, mais j'ai été réconforté par la conviction de tout un chacun que j'étais innocent. J'ai eu l'impression à chaque fois que j'étais contacté par quelqu'un qu'il pensait ce que je ressentais au fond de moi-même. Les gens étaient si gentils et si incrédules face à cette nouvelle qu'ils n'hésitaient pas à parler d'un complot. Une éventualité, bien sûr, que j'écarte gentiment. Mais il fallait que je sois attentif à ces marques sincères de sympathie et de soutien inconditionnel. Je vais vous faire une confidence : avant cette affaire, il m'arrivait parfois de douter des sentiments des Marocains quand quelque chose m'énervait. Mais aujourd'hui, j'ai eu la preuve incontestable que les Marocains sont des patriotes. Dans les moments difficiles que je vis, tout le monde me défend parce que je suis Marocain avant d'être champion. Non, franchement, je suis à la fois ému et fier de cette solidarité aussi bien de la fédération, des officiels, de la presse que des gens ordinaires. Ils ont partagé avec moi leurs nobles sentiments alors que je vis une mauvaise passe. Tout comme ils ont partagé ma joie de gagner. Mais cette solidarité unanime a été lézardée par une défection de taille qui est celle de Hicham El Guerrouj qui n'a pas hésité à vous abattre ? Je ne voudrais nullement rentrer dans une confrontation avec Hicham pour la seule raison que ce n'est pas ma nature et que ça ne servirait à rien. En tout cas, la polémique entre moi et lui ne sert aucunement les intérêts de l'athlétisme national. Bien au contraire. C'est ce genre de comportement qui risque de ternir son image. D'autant plus qu'il est inconcevable que moi, qui défends les couleurs nationales, puisse attaquer un athlète qui hisse haut le drapeau marocain. On court tous les deux pour la même nation, le même peuple et le même roi pour que l'on ose se tirer dessus. Eh puis, cela peut surprendre certains, malgré ses excès verbaux, Hicham El Guerrouj, reste un symbole de l'athlétisme national. Quoi qu'en dise sur lui, il reste le meilleur et il faudrait plutôt l'aider sur le plan humain et relationnel pour qu'il devienne l'athlète idéal qui représente un exemple pour les jeunes. À quand la délivrance de cette affaire ? Autrement, quand l'échantillon B sera analysé pour que vous soyez, et avec vous tout le Maroc, rassuré de votre innocence.? En principe, la date de l'analyse de l'échantillon B est fixée d'un commun accord entre l'athlète et la fédération internationale d'athlétisme. Normalement, je devais terminer mon circuit tranquillement avant d'entamer cette procédure, ce qui me donnerait au moins trois semaines pour préparer mon dossier. Mais comme l'information a circulé rapidement et a été considérablement médiatisée, j'ai décidé de m'y consacrer entièrement. Jusqu'à ce jour, l'IAAF et moi n'avons pas encore fixé une date pour l'analyse du deuxième échantillon. Cela me donne au moins assez de temps pour ficeler ma défense et préparer un dossier trop scientifique pour qu'il soit étudié d'une manière méticuleuse. Mais la chose dont je suis sûr aujourd'hui, c'est que je n'ai rien pris qui puisse enfreindre les règles anti-dopage établies par l'IAAF. Comment pourrais-le faire sachant que la veille du meeting où j'ai battu le record du monde, j'avais subi des prélèvements sanguins. Dans pareil cas, une personne sensée ne peut en aucun courir, encore moins battre le record, si elle n'est pas confiante et ayant la conscience tranquille.