Pour Zakaria Fahim, expert-comptable et président du CJD section Casablanca, le problème de la surliquidité ne sera résolu qu'une fois la confiance rétablie. ALM : Souvent, les observateurs avancent que la surliquidité du marché financier renseigne sur le déphasage structurel entre projets et financements. Qu'en pensez-vous ? Zakaria Fahim : Je pense que le problème se situe beaucoup plus en amont. Toutes les parties prenantes font valoir qu'il s'agit d'abord de restaurer la confiance. Sans elle, point de prise de risques et donc d'investissement à lancer, notamment pour moderniser et/ou mettre à niveau l'entreprise. Une fois, la confiance rétablie, il sera aisé de faire sauter les verrous que font valoir les banquiers : une justice trop lente, une information financière opaque, des projets mal étudiés, des entrepreneurs indélicats confondant chiffre d'affaires et bénéfice. Et de l'autre côté, les entreprises seront en droit d'avoir du conseil, un accompagnement constructif basé sur l'étude du dossier et non pas limité au secteur. Cela exclut des secteurs comme le textile, alors qu'il y a des niches, notamment sur les petites séries et dans l'intégration de la chaîne, et ce pour faire des différents accords, que ce soit le multi-fibres ou celui avec les USA, une opportunité. Un autre point aussi important à soulever : les porteurs de projets actuellement n'ont pour garantie que la qualité de leur projet et leur engagement. Là aussi, en ayant un banquier qui troque sa casquette de prêteur sur gages contre celle de partenaire financier rassuré, il sera aisé de fournir les financements ad hoc et/ou de les accompagner à rencontrer des clients riches de la banque potentiellement intéressés de placer leur argent en bons pères de famille. Le banquier, s'il ne prête pas, peut être un « efficacilitateur » pour l'entrepreneur en mal de financement Est-ce que les conditions du marché permettent aujourd'hui de baisser les taux débiteurs ? Il faut d'abord rappeler qu'un taux d'intérêt est la somme du taux sans risque (coût de l'argent pour le banquier) et la prime de risque. Le taux interbancaire au jour le jour est de 2,3 %. La marge de manœuvre existe, la réduction de la prime de risque dépend aussi de la confiance et du rapport de force. Les PME accusent les banques de ne pas les financer suffisamment. Pensez-vous que cet argument est fondé ? Les PME doivent savoir qu'elles constituent plus de 90% du tissu économique et près de 50 % du PIB. Leur poids dans l'économie est certain, mais le font-elles bien savoir ? Ce qui tue une PME, ce n'est pas sa taille, mais son isolement. L'initiative de la fédération de la PME et PMI avec le GPBM pour définir une charte d'investissement de la PME gagnant-gagnant est un bel exemple. La PME doit parler d'une seule voix pour être entendue, ce qui ne veut pas dire qu'elle reste pluriel. Je pense que pour construire, il faut arrêter de se poser la question qui de l'œuf ou de la poule est le premier. Le plus important pour une PME, c'est qu'elle doit aller voir son banquier avec un dossier solide sur le fond et la forme. Elle doit se rappeler qu'elle a son expert-comptable ou des institutions comme le centre de gestion agréées pour la soutenir dans le montage de son business plan. Chacun son métier; le plus important c'est que l'entrepreneur, qui n'a pas la taille critique d'avoir des compétences pointues en interne, doit comprendre que l'expert-comptable en tant que médecin généraliste de l'entreprise peut faire gagner beaucoup de temps et de l'argent à l'entreprise. Comment une banque peut-elle donner un vrai coup de pouce à la PME ? La banque peut être un support structurant pour la PME, en faisant valoir le risque qu'elle prend et demander périodiquement 2 fois par an les comptes, certifiés par le commissaire aux comptes pour les SA et les SARL ayant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions de DH ou établis par un expert-comptable ou un comptable agréé, de rendre visite au client. Cet accompagnement sera le corollaire d'un financement basé sur le projet et non plus sur des garanties réelles et qui incitaient le banquier à rester sur une position passive. L'argent des Marocains résidant à l'étranger (MRE) qui n'est ni placé, ni utilisé, ni investi, gagne assurément à être mieux déployé. Quel est votre commentaire ? Le niveau des devises rapatriées par les MRE est tel qu'ils sont toujours sur le podium. Et il est vrai que c'est dommage que tout ce pactole vient aggraver la surliquidité. À qui incombe la faute, à nos MRE de la première génération (souvent illettrés), à nos banquiers tatillons qui préfèrent un tu l'as plutôt que deux tu l'auras, en les encourageant à continuer d'investir dans des murs vides et stériles ou dans les bons du Trésor? Là aussi, il est nécessaire de renforcer les relais pour leur indiquer qu'il y a d'autres investissements productifs qu'ils pourraient entreprendre. L'existence d'institutions comme Bank Al Amal (la banque des MRE) mérite d'être souligné. Le banquier doit mieux communiquer et le client se doit d'être exigeant en allant à la rencontre de partenaires financiers différents de sa banque habituelle. En effet, la concurrence reste le meilleur facteur pour innover, créer de la valeur dans l'intérêt du client final Pensez-vous que les mesures introduites par le projet de loi de Finances, notamment l'exonération fiscale pour la PME, sont de nature à relancer l'investissement? Toute mesure fiscale favorable à la PME est à prendre, mais celle-ci ne peut être à elle seule un instrument de relance de l'investissement. Cette mesure doit s'inscrire dans un cadre plus général d'accompagnement pour répondre de façon globale aux différentes attentes sur les plans de la justice, des infrastructures, de la transparence (notamment dans les marchés publics) et du financement. Assoyons la confiance par une action toute simple : faire ce qu'on dit et dire ce qu'on fait.