Portrait. Le président du groupe parlementaire du PJD, Mustapha Ramid, est un homme qui pèse bien ses mots et fait de la modération une constante politique dans ses propos. Il affirme que son parti ne détient pas le monopole de l'islam, qu'il s'inscrit dans le processus démocratique et qu'il renie la violence dans toutes ses formes. Aujourd'hui le Maroc : À l'approche des élections, la plupart des partis connaissent de graves divergences sur le choix des candidats. Comment le PJD affronte cette situation ? Mustapha Ramid : Vous savez, le PJD est un parti jeune par rapport à la plupart des autres partis. Par conséquent il est à l'abri des pratiques anciennes et des défaillances des partis vieillissants. Ce qui ne veut pas dire que les membres du PJD sont des anges qui ne s'affrontent pas sur des sujets multiples. Nous avons nos propres problèmes, mais ils sont limités et gérables bien que nous soyons surpris par des petites divergences dans certaines circonscriptions. Cependant je peux vous dire qu'au jour d'aujourd'hui tout est rentré dans l'ordre. D'ailleurs, pour des raisons stratégiques, nous avons décidé de ne pas présenter des candidats dans toutes les circonscriptions après avoir étudié les tenants et les aboutissants de la carte politique nationale. Certes cette décision a créé une sorte de désolation chez les militants du PJD qui auraient préféré la présence du parti sur tout le territoire électoral. Mais ce sentiment de frustration ne s'est jamais transformé en polémique virulente pour pouvoir atteindre le stade de divergences inextricables... Pourtant on avait parlé de la démission de quelques-uns de vos militants après que la direction du parti ait imposé un candidat qui n'est pas originaire de la région ? Le PJD a opté pour une procédure démocratique pour donner l'aval à nos candidats. L'opération passe par trois étapes de vote. D'abord un vote général, puis un second vote qui aboutit vers une liste comportant le double du nombre des sièges de la circonscription. Et enfin le troisième vote, celui du classement. Cette procédure permet au Secrétariat général d'étudier les candidatures et de décider tout en gardant une marge de 10% en dehors de la liste provenant des bases. Cette marge est réservée aux figures politiques les plus en vue du parti que nous considérons comme des candidats incontournables. Cela va sans parler qu'au PJD, il est interdit qu'un candidat se présente de son propre chef. Et jusqu'à nos jours personne n'a remis ou même menacé de poser sa démission. D'autre part il serait plus judicieux pour nous que tout individu qui compte imposer sa candidature contre la volonté du parti aille ailleurs parce que notre parti ne tolère pas cette dictature. Quelles sont vos chances dans ces élections et comment évaluez-vous aujourd'hui votre position sur l'échiquier politique national? Nous avons un fort pressentiment que nous serons parmi les partis qui réaliseront des résultats très positifs. Nous sommes également conscients de notre aptitude d'assumer notre entière responsabilité si nous devons participer au gouvernement prochain. Ceci étant nous observons au PJD une règle politique qui consiste à ce que notre présence au prochain Parlement ne soit ni très faible, ni très forte. Elle ne doit pas être faible parce que nous considérons que dans ce cas de figure nous ne serons d'aucune utilité à la nation, ni à nos électeurs. Nous souhaitons par ailleurs que nous n'obtenions pas un raz-de-marée pour éviter toute mauvaise interprétation, car nous tenons avant tout à la stabilité et à la paix de notre pays. Même Dieu, à qui il suffit de dire à une chose d'être pour qu'elle soit créée (koun fa yakoun) a créé les cieux et la terre en six jours. C'est dire que même le créateur observe dans son univers la notion de la gradualité. Au début de l'alternance, vous avez soutenu le gouvernement Youssoufi, puis vous avez adopté la notion du soutien critique. Est ce à cause de divergences majeures ou est -ce tout simplement une stratégie électoraliste ? Nous avons soutenu le gouvernement parce que notre pays vivait une nouvelle expérience. L'opposition a pris les commandes de l'exécutif pour la premières fois de l'histoire du pays, et était porteuse de nouvelles promesses qui concordaient avec les aspirations des citoyens. Se positionner contre ce gouvernement dès le début aurait eu d'innombrables interprétations. Notre comportement était celui de l'opinion publique. Ceci étant notre soutien critique ne signifiait guère un chèque à blanc offert au gouvernement. D'ailleurs le gros lot des critiques adressées à ce dernier émane du sein même de la Koutla. Nous soutenions les promesses de réforme, or rien n'a été concrétisé. À titre d'exemple, si ce gouvernement était sérieux, nous aurions pu régler les quelques points de discorde à propos du fameux plan pour l'intégration de la femme. D'autant plus, chose qui va paraître étrange pour certains, que l'actuel ministre de l'intérieur avait trouvé nos positions et nos propositions positives. D'autre part, même en soutenant le gouvernement, ce dernier n'a jamais pris en considération nos propositions. Avec le temps, il s'est avéré que l'exécutif était inopérant et présentait de nombreux symptômes de maladies identiques aux gouvernements précédents. Le PJD est –il un parti d'islamisme politique ou un parti islamiste radical qui se cache derrière l'enceinte du Parlement ? Le PJD est un parti de référence islamique sans pour autant prétendre détenir le monopole de l'islam. Nous considérons que n'importe quel autre parti est en mesure d'adopter cette référence. Ce serait son droit le plus absolu, mais en fin de compte le dernier mot revient au peuple pour déterminer lequel d'eux réponde à ses aspirations. Quand la cellule dormante d'Al Qaida a été arrêtée au Maroc, certaines informations faisaient état de relations étroites entre le PJD et l'organisation d'Oussama ben Laden. Voire l'un de vos dirigeants était même pointé du doigt comme étant très impliqué dans cette affaire ? Je n'ai jamais entendu ce genre d'accusation et si cela se trouve, il s'agit de pures calomnies. C'est la dernière chose qui risque d'arriver à un membre du PJD, car nous travaillons dans le cadre des institutions légales du pays. Ces dernières semaines la police a arrêté plusieurs éléments appartenant à des mouvements islamistes qui tuent les gens au non de l'Islam. Quelle est votre position sur ce sujet ? Nous renions toute personne qui opte pour la violence, quelles que soient sa nature et ses convictions. N'importe qui commet un crime doit être sanctionné, et personne n'a le droit d'utiliser la violence. Cependant, la justice suit son cours et elle aura son mot à dire. • Propos recueillis par Mohamed Benkhallouk et Hassan Benadad