L'islamologue Saïd Lakhal estime que la désignation de Mustapha Ramid à la tête de la Commission de la justice et des droits de l'Homme au Parlement est une revanche également pour un député appelé à laisser ses positions radicales de côté. Le PJD ne pourrait qu'en tirer profit. Entretien. ALM : Le député Mustapha Ramid vient d'être désigné au poste de président de la Commission de la justice et des droits de l'Homme à la Chambre des représentants. Quel commentaire en faites-vous? Saïd Lakhal : La nomination de Mustapha Ramid à la tête d'une Commission aussi importante que la Justice et les droits de l'Homme pourrait constituer une belle opportunité pour le Parti de la justice et du développement pour redorer son blason en matière de défense de ces droits. Ce parti qui, à plusieurs reprises, à justement été critiqué en ce qui concerne ses positions vis-à-vis de la gestion de ce dossier. Une condition doit cependant être réunie pour arriver à cet objectif, à savoir l'exploitation de M. Ramid de son nouveau poste à cet effet. Le nouveau président de cette Commission doit ainsi savoir gérer les différents dossiers et affaires dans lesquels il doit statuer. Cette nomination représente en outre une occasion pour Mustapha Ramid de se réconcilier avec lui-même et avec le ministère de l'Intérieur représentant l'Etat marocain. Une opportunité également pour ce député connu pour ses sorties médiatiques incendiaires de laisser de côté son radicalisme. D'après vous, cette nomination constituerait-elle une revanche pour Mustapha Ramid ? Certainement. Mustapha Ramid est un représentant du peuple marocain à la Chambre des représentants. Il a donc, en toute démocratie, le droit de se présenter aux élections des présidents de Commission. Remporter ces élections est également son propre droit garanti par la loi s'il a recueilli la majorité des voix exprimées. Maintenant, il est clair que si M. Ramid continue dans cette voie d'entêtement qui est la tienne depuis longtemps, il ne manquera pas de mettre son parti dans l'embarras. Et son éviction de la tête de cette Commission parlementaire ne tarderait pas. Par contre, si ce député islamiste a bien assimilé le contenu du discours royal prononcé à l'occasion de l'ouverture de la session parlementaire, ses différentes prises de positions connaîtront certainement un grand changement. A deux reprises, Mustapha Ramid a été écarté de la présidence du groupe parlementaire du PJD, alors qu'il a été choisi par les autres députés. Pourquoi cette réhabilitation aujourd'hui ? Il est tout à fait certain que le Parti de la justice et du développement a ses propres calculs et stratégies allant dans le sens de la promotion de l'image d'un parti modéré qui ne constitue nullement une menace pour la stabilité du pays. Mais il est important de signaler dans ce sens que la présidence de la Commission de la justice et des droits de l'Homme ne garantit pas une totale liberté d'action et de prise de décisions, comme c'est le cas pour la présidence du groupe parlementaire. En Commission, le président est tenu de prendre compte de l'avis des différents membres et ne pourrait en aucun cas prendre une décision unilatérale. Peut-on taxer Mustapha Ramid d'islamiste modéré ? Sa présidence d'une Commission aussi sensible ne pourrait-elle pas causer des problèmes au vu de ses précédentes prises de positions ? Mustapha Ramid est très connu pour ses positions radicales au sein du Parti de la justice et du développement. C'est d'ailleurs ce qui a causé son éviction de la tête du groupe parlementaire de cette formation. Il a certainement dû tirer des enseignements de ces précédentes mésaventures. Ceci tout en n'omettant pas les aspirations du parti à faire partie du gouvernement. La présidence d'une Commission aussi importante ne pourrait que lui permettre de faire preuve de modération et de parfaite homogénéité avec les institutions constitutionnelles et politiques du pays. L'on pourrait également supposer que Mustapha Ramid nourrit des ambitions pour le ministère de la Justice.