Résigné, le Premier ministre turc tente aujourd'hui de mettre le peu de temps qui lui reste à la tête de l'exécutif, avant la tenue des législatives anticipées, pour achever les réformes réclamées par l'UE. Le temps n'est pas de son côté, mais le gouvernement turc, mené par Bulent Ecevit, a affiché son intention de faire adopter rapidement les réformes nécessaires pour intégrer l'Union Européenne. Et ce, avant la tenue des élections législatives prévues pour le 3 novembre prochain. «Les leaders (des trois partis de la coalition gouvernementale) se sont mis d'accord sur ce point. Ces lois seront adoptées (par le Parlement) avant les élections législatives», a indiqué le premier ministre au journal Sabah paru mercredi. Cette double décision a été prise mardi par les trois alliés de l'exécutif, Devlet Bahceli (MHP) et Mesut Yilmaz (ANAP) et Bulent Ecevit, quelques heures après que la coalition menée d'une main de fer par M. Ecevit depuis 1999, soit devenue minoritaire au Parlement. Au cœur de l'hémorragie politique: les départs massifs de députés et des ministres membres du parti de la gauche démocratique (DSP) jusque-là prédominant dans l'exécutif et le législatif. Mercredi, ils étaient pas moins de 60 à avoir quitté leur siège au Parlement, ramenant à 68 le nombre de députés appartenant au DSP, et à 274 le nombre de postes revenant à la coalition tripartite. La formation du Premier ministre est même passée derrière le parti d'opposition de la Juste voie (DYP) de Tansu Ciller (85 sièges) et a vu sept de ses ministres claquer la porte du gouvernement en une semaine. C'est dire à quel point Bulent Ecevit, confronté à une maladie qui l'a éloigné de la scène politique pendant deux mois, est dans une position délicate. S'il refuse encore de démissionner, il aurait pu être contraint au départ si une motion de censure avait été déposée contre lui. Une menace que M. Ecevit a réussi à éloigner - dans l'immédiat - en annonçant lui-même mardi l'organisation du scrutin pour novembre, vraisemblablement le 3. Cette date s'avère cependant difficile à respecter, Ufan Algan, le chef de la commission électorale, ayant lui-même prévenu qu'il fallait «au moins trois mois et demi» pour préparer les élections «une fois la décision prise». Or le Parlement n'effectuera sa rentrée que le 1er septembre. Et ce n'est pas tout. Le chef du gouvernement compte dans le même temps présenter ses réformes. Interrogé par Sabah concernant leur nature, il s'est contenté de répondre mercredi qu'«il n'y a que très peu de temps (avant le scrutin)» et que «les plus sensibles seraient réglées». Autrement dit, l'abolition de la peine de mort et l'octroi de droits supplémentaires en faveur de la minorité kurde avec un meilleur accès à une éducation et des médias dans sa propre langue. Reste que, outre ce laps de temps qui joue en sa défaveur, le Premier ministre sera sans doute confronté à la réticence du parti de l'action nationaliste (MHP). Si Devlet Bahceli est un allié gouvernemental sûr, vice-Premier ministre de surcroît, il n'en reste pas moins réticent sur les plus importantes réformes, au point de bloquer le processus dans son entier. Et conséquence plutôt cocasse, M. Ecevit devrait certainement réclamer le soutien de l'opposition pour avancer son chantier. Un autre coup dur pour cet homme qui s'accroche encore au pouvoir malgré la multiplication des critiques et le désaveu de ses partenaires les plus proches.