Turquie. Le Premier ministre Ecevit a finalement admis, mercredi, la possibilité d'élections législatives anticipées réclamées par ses deux grands alliés de la coalition gouvernementale. Mais pas question de démissionner. Depuis lundi, le chef du gouvernement turc semble de plus en plus isolé, tant au sein de son parti que de son exécutif. Trente-quatre députés, dont six ministres, ont en effet démissionné de leur poste et quitté le parti de Bulent Ecevit, la Gauche démocratique (DSP). Des départs massifs qui ont entraîné la chute spectaculaire du nombre de fidèles du Premier ministre dans les rangs du Parlement, passés de 128 à 94 – sur 550 sièges – en seulement deux jours. En réaction, Bulent Ecevit a certes comblé les postes ministériels vacants, allant même jusqu'à faire entrer une première femme au gouvernement, Melda Bayer, au portefeuille de l'Etat. Il a même présidé, mercredi, son premier conseil des ministres depuis deux mois, une façon de signifier à ses détracteurs qu'il n'a nullement l'intention de partir. Mais en même temps, le chef du gouvernement a dû se résoudre à quelques concessions afin d'éviter une véritable implosion politique. Il a ainsi reconnu pour la première fois la possibilité d'avancer le scrutin législatif initialement prévu en avril 2004. « Nous, les trois présidents (de la coalition au pouvoir), pouvons fixer une nouvelle date pour les élections. Cela pourrait ne pas être avril 2004, mais une autre date plus rapprochée », a-t-il affirmé par voie de presse, mercredi, dans les colonnes du journal Milliyet. Malgré son affaiblissement physique, engendré par deux mois de problèmes médicaux, et politique, Bulent Ecevit a pourtant une nouvelle fois réaffirmé son «opposition personnelle» à de telles élections, invoquant la difficulté d'organiser un tel scrutin en pleine crise économique. Ce même marasme que ses adversaires incombent à son absence de la scène politique en période de réformes tant cruciales que délicates pour la Turquie. Les multiples démarches effectuées par les différentes formations auprès du Parlement laissent de toute façon penser que l'avancée du scrutin est désormais une donnée acquise. La deuxième composante du gouvernement, le parti de l'action nationaliste (MHP), a en effet recueilli le quota de signatures nécessaires à la convocation des députés en session extraordinaire dès la rentrée de septembre. Il entend alors faire avancer la tenue du scrutin au mois de novembre. L'ANAP, le troisième parti de la coalition menée par M. Ecevit depuis 1999, est même allé plus loin en réclamant des élections dès le mois de septembre. Bulent Ecevit, réputé pour diriger son parti du DSP d'une «main de fer» en compagnie de sa femme, Rahsan, qui en est la vice-présidente, se retrouve ainsi aujourd'hui face à une opposition sans précédent. Largement critiqué par la presse dans son entêtement à ne pas vouloir démissionner, il subit aussi les tractations de ses anciens proches et nouveaux adversaires qui pourraient se rassembler au sein d'une nouvelle formation. Les journaux turcs de mercredi spéculaient en effet sur la possible création par l'ex-bras droit d'Ecevit, Husamettin Ozkan, et par le ministre des Affaires étrangères démissionnaire, Ismail Cem, d'un nouveau parti. Une initiative qui affaiblirait encore un peu plus le puissant DSP en cas d'élections avancées. Des sondages récents ont aussi annoncé une possible entrée en force à l'assemblée des partis islamistes, dont celui de Recep Tayyip Erdogan, ex-maire d'Istanbul et de plus en plus sympathique aux yeux des Turcs. Ce qui poserait alors la question de la capacité du pays à entamer les réformes nécessaires pour pouvoir prétendre adhérer à l'Union Européenne.