Le général Khaled Nezzar s'est livré à une attaque frontale contre Abdelaziz Bouteflika. Quand Nezzar parle, c'est, dit-on, qu'il entend faire passer un message d'un clan de l'armée ou de toute l'armée, particulièrement lorsque celle-ci veut peser sur les enjeux. S'achemine-t-on vers un divorce armée-Bouteflika ? Quelle stratégie adopter dans la lutte contre l'islamisme et son bras armé ? C'est cette idée-force qui ressort de la polémique Nezzar-Bouteflika, ou Armée-présidence. Succédant au chef d'état-major, le général Mohamed Lamari, qui affirmait, il y a quelques jours, que le politique n'a pas suivi dans la lutte contre le terrorisme en estimant que le terreau de ce dernier, l'intégrisme, est toujours intact, le général à la retraite, Khaled Nezzar, ne fait, en fait, qu'expliciter la position du patron de l'Armée nationale populaire (ANP). Ce faisant, Nezzar désigne clairement, dans un communiqué publié par trois journaux algériens, le président Bouteflika. Selon lui, «la cabale contre les généraux algériens a été menée de toutes pièces par des Algériens et à partir de l'Algérie, ces trois dernières années, depuis que l'arrêt du processus électoral est devenu un délit et une violence, que le terroriste sanguinaire est devenu Monsieur Hattab». Même à la retraite, le général Khaled Nezzar a gardé le contact avec l'opinion publique. D'aucuns pensent qu'i ne parlait pas uniquement en son nom personnel. Il l'avait déjà fait savoir , lors de son procès contre Souaïdia à Paris, en affirmant qu'il était là pour défendre l'image de l'institution militaire. Celle-ci l'avait d'ailleurs publiquement encouragé, par l'intermédiaire du général Mohamed Lamari, chef d'état-major de l'armée, à se déplacer en France pour répondre à l'auteur du livre «La Sale Guerre». Le général major, qui s'est attaqué cette fois-ci frontalement au locataire du palais d'El-Mouradia, semble avoir reçu des assurances. Il critique ouvertement la politique de Bouteflika et rend le chef de l'État coupable de l'aggravation de la situation sécuritaire. Dans son esprit, les crimes commis par les groupes armés bénéficient de la couverture politique de tous ceux qui réclament une «issue politique» à la crise. Nezzar brandit, en guise de preuve accablante, la formule de Bouteflika à propos de l'arrêt du processus électoral : «C'est une violence !». L'interruption du processus électoral, en décembre 1991, après la victoire au premier tour du Front islamique du Salut (FIS), aujourd'hui dissous, avait été le fait du Comité national de sauvegarde de la République (CNSA), une structure politique mise en place à l'initiative de l'armée algérienne, dont Khaled Nezzar était alors le chef. Les observateurs, écrit le quotidien «Liberté», estiment que quand Khaled Nezzar parle, c'est qu'il entend «faire passer un message d'un clan de l'armée ou de toute l'armée, particulièrement lorsque celle-ci veut peser sur les enjeux». Et de rappeler les prises de position de Nezzar lors de la campagne pour les présidentielles de 1999. À l'époque, il a vivement critiqué le choix porté sur le candidat Bouteflika en traitant ce dernier de « canasson ». Trois ans plus tard, il « remet ça ». C'est le général qui a parlé. Aucune référence n'a été faite à son statut actuel de retraité dans son communiqué de presse. Ce qui pousse le journal à s'interroger si Khaled Nezzar s'est fait le porte-parole de l'armée, ou s'il a été chargé de rendre publique la position de la grande muette concernant les questions brûlantes de l'heure, à savoir la situation sécuritaire, la concorde civile et la gestion des affaires du pays par M. Bouteflika. Pour l'heure, les déclarations du général Khaled Nezzar n'ont toujours pas suscité la moindre réaction de la Présidence, qui continue d'afficher un silence de tombe. Sur le terrain, la violence continue de faire des victimes innocentes.