Les alliances éventuelles entre le Parti de l'Istiqlal et les islamistes du PJD pourront-elles aller loin d'ici les prochaines élections ? Rappel d'un itinéraire tortueux. Les spéculations sur les alliances politiques partisanes foisonnent. Chose normale, puisque l'on est dans une phase pré-électorale et que les frontières idéologiques ne sont pas totalement arrêtées pour bon nombre de partis politiques. Bien entendu, au cours des dernières semaines, on a constaté que le Parti de l'Istiqlal n'hésitait pas à faire des clins d'œil à l'adresse des islamistes et particulièrement à ceux qui agissent au sein du Parti de la Justice et du Développement (PJD). Car, depuis que le secrétaire général du PI a critiqué l'absence du référent islamique chez le gouvernement de l'alternance, la confrontation entre ce parti et l'USFP a pris des proportions manifestes. L'escalade entre les deux formations s'est également nourrie de la polémique entre les dirigeants de ces deux partis à travers leurs organes de presse. La série d'articles d'Abdelkrim Ghellab, membre du Comité exécutif du PI, sur le référent islamique de son parti a laissé entendre que l'Istiqlal serait en passe de conclure un contrat tacite avec les islamistes, faisant ainsi table rase sur ses alliances précédentes au sein de la Koutla démocratique et même en ce qui concerne sa matrice culturelle. L'Istiqlal , comme nous l'indique son histoire, a eu le mérite de participer, depuis les années trente du siècle dernier, à l'éclipse des confréries. Son idéologie salafite lui a permis d'évincer le pouvoir des confréries qui étaient plus implantées dans le monde rural que dans les villes. Constitué de cadres citadins, le Mouvement national s'est appuyé sur la doctrine religieuse salafie, qui appelle au retour à la Chariâ et à la véritable tradition islamique (Coran et Hadith). De surcroît, le positionnement de certaines confréries (zaouias) aux côtés des forces coloniales les a affaiblies énormément et permis aux Istiqlaliens de véhiculer leurs messages politiques et «religieux» même dans les contrées les plus lointaines. Dans les années soixante, Allal El Fassi, le leader historique du PI, a dû assumer la responsabilité de la gestion du ministère chargé des Affaires islamiques. Plus tard, soit de 1977 à 1984, Azeddine Laraki, membre à l'époque du Bureau exécutif de l'Istiqlal, a dirigé le ministère de l'Education nationale qui regroupait aussi bien l'enseignement primaire et secondaire que supérieur. Et c'est à ce parti que revient, sans doute, la responsabilité de limiter l'enseignement de la philosophie, la sociologie et la psychologie aux seules facultés des lettres de Rabat et de Fès. En revanche, au moment où l'islamisme iranien commença à prendre d'assaut des milieux de la jeunesse, les ismaïliennes encouragèrent les études théologiques dans les universités. Libéré, le génie prit progressivement en otage le campus universitaire avant d'investir la rue. Les événements de 1984, particulièrement dans les villes du Nord, ont attiré l'attention des autorités publiques sur l'existence du danger islamiste. Depuis, les imams des cinq prières, qui officient dans les mosquées publiques, sont nommés par le ministre des Affaires religieuses, sur proposition des conseils régionaux et après accord du «Qadi attawtiq» qui doit vérifier uniquement leur probité et leurs mœurs. La même année, feu Hassan II avait nommé une cinquantaine de «Alim» qui n'étaient autres que des super-caïds formés à l'Ecole des cadres du ministère de l'Intérieur et dans les facultés de théologie. En 1992-1993, des islamistes se sont présentés aux élections en tant que candidats SAP (Sans appartenance politique), notamment dans les régions du Nord. En 1997, ils vont se dévoiler et se présenter sous les fanions du Mouvement populaire démocratique constitutionnel (MPDC), le parti qui va porter le nom, par la suite, du PJD. Lors de l'avènement du gouvernement de l'alternance, ils vont adopter la position de soutien critique avant de passer à l'opposition. En revanche, le Parti de l'Istiqlal va occuper leur place, tout en faisant partie du gouvernement. La position de soutien critique rappelle en grande partie celle du PJD d'avant le passage à l'opposition. Mais cela est-il suffisant pour que les deux formations se rencontrent dans les semaines qui viennent? Certes, en politique, certains comportements sont justifiés, comme ce fut le cas lors de la lutte autour du Plan national d'intégration de la femme au développement.