La ville de Casablanca a célébré pour la première fois la fête internationale de la musique. Dimanche, ils étaient plusieurs milliers de personnes venues pour le concert de Faudel. Ce public, formé de jeunes, se dépense sans demi-mesures. Ils se sont perchés sur des arbres. Des arbres aux branches impeccablement taillées. Les arbres bordant la place Mohamed V. Ils ont pris place sur leurs feuillages touffus, parce qu'il n'y avait pas, ce dimanche 22 juin à 20 h, un interstice pour supporter la chute d'une aiguille. Difficile d'avancer un chiffre. Peut-être 50 000 personnes, mais ce qu'il y a de sûr, c'est que la place Mohamed V était non seulement bondée, mais que la marée humaine qui l'agitait s'étendait à perte de vue. Elle était seulement limitée par l'édifice du tribunal et le bâtiment de la Wilaya du Grand Casablanca. Pour sa première fête de la musique, la wilaya et le Conseil régional du tourisme de Casablanca ont mis les petits plats dans les grands pour garantir aux Casablancais des concerts de qualité. Des têtes d'affiches comme Faudel, mais également des découvertes comme le jeune chanteur marocain vivant en France : U.ssef. Les concerts sont gratuits. Et le public qu'ils ont entraîné est formé - très majoritairement - de jeunes de sexe masculin. Les filles, il faut chercher du côté des places assises, aménagées pour les VIP dans l'aile droite surplombant la place, pour en trouver. Ce jeune public qui a rempli la place a un sens excessif de la fête. Il a un sens aigu de la dépense. C'est la rage dans la dépense ! «Il ne se passe absolument rien à Casa. Alors quand une occasion de fête se présente, on ne va nous demander d'applaudir à la fin des concerts comme des cheikhates » nous confie Rachid, un jeune venu de Sidi Bernoussi. Il dit cela en réponse aux supplications répétées de Ramzi, ex-animateur à 2M, qui a fait la présentation des artistes. Ce dernier n'a pas arrêté de demander au public de garder son calme pour que la fête de la musique devienne une tradition à Casablanca. La crainte de débordement a fait peser de lourdes menaces sur le déroulement de la fête. Même Faudel s'est mis de la partie pour contenir l'ardeur du public. Il faut dire que rien ne peut décrire le sens de la dépense des jeunes casablancais. Plusieurs d'entre eux étaient bustes nus. Nombre d'entre eux étaient assis ou debout sur les épaules de leurs amis. Certains étaient envoyés dans l'air. D'autres se convulsaient sur le sol. Ce public n'a pas tenu un seul instant en place. Il ressemble à une vague lancée dans une course folle et ininterrompue. Un public qui saute, au commandement d'une voix inconnue, dès qu'il reconnaît les premières notes de chansons de Faudel comme : « Abdelkader ya Bouaâlam », « Dis-moi », « tellement je t'aime »… Certes, il y a eu quelques débordements. Un groupe parmi ce public a allumé un feu et a commencé à danser autour. C'était un sacré feu ! Mais au bout du compte, ce public s'est dépensé dans la musique. Et l'on ne peut que féliciter les organisateurs qui ont fait le pari de la musique sur la crainte des excès. Après tout, la meilleure façon de se mettre à l'abri des débordements du public est de ne rien organiser. Ce qui n'est assurément pas la meilleure attitude à avoir. Au reste, cette fête de la musique peut consoler les Casablancais du festival dont ils ont été privés. Quelques questions au passage s'imposent. Les sponsors qui ne se sont pas bousculés pour le festival ont pesé de tout leur poids pour que la fête de la musique soit grandiose. Qu'est-ce qui les a donc poussés à opposer un niet à l'organisation du festival et à lâcher de l'argent pour une manifestation, certes de moindre envergure, mais dont l'organisation nécessite un financement substantiel ?