La lettre de Bouteflika a été largement relayée par les médias algériens qui organisent une campagne hostile au Maroc. Même la télévision algérienne s'en mêle. Les preuves de la mauvaise foi des autorités d'Alger se lisent deux fois : dans la lettre du président et la presse. Fini le temps des doubles discours. La décision de SM le Roi Mohammed VI relative à la suppression du visa pour les ressortissants algériens a eu le mérite de faire tomber les masques. La référence par le président algérien à la fraternité et la communauté de destin entre les deux peuples est une ornementation verbale qui n'engage à aucune action tangible. Pour lui : il y a dire et faire. D'un côté, il a prononcé de belles paroles sur les aspirations de nos deux peuples ; de l'autre, il a commis une lettre de désaveu. «L'Algérie» a sorti la grande artillerie médiatique pour diffuser la lettre du président Bouteflika à Kofi Annan. La télévision algérienne a consacré, mardi, son journal de 20 heures au Maroc. Elle a commencé par la lettre de M. Bouteflika au secrétaire général des Nations Unies. Ensuite, elle a diffusé les réactions des autorités algériennes sur la suppression du visa. Et enfin, elle a rendu compte d'un entretien téléphonique entre le chef de la diplomatie espagnole et son homologue algérien. Ce traitement hypertrophié du Maroc contrastait avec le silence fait sur la démission mardi du tout-puissant chef de l'armée algérienne, le général Mohamed Lamari. Manœuvre de diversion? Tentative d'exacerber le sentiment de nationalisme pour distraire de la crise entre l'armée et le président algérien ? Ce n'est pas la première fois que l'Algérie se cramponne au Maroc pour sauver sa politique intérieure. Quoi qu'il en soit, le Maroc a été la cible, mardi, d'une campagne hostile et mûrement réfléchie de la télévision d'Etat de l'Algérie. La presse l'a relayée, mais de façon nettement moins bien ordonnée. Pas de commentaire dans le journal «El Moudjahid» qui a publié la lettre de Bouteflika dans son intégralité. Il a eu raison d'attendre les consignes pour marcher au pas. Ceux qui ont pris l'initiative du commentaire pèchent par un excès de cacophonie et d'arguments incongrus. A ce propos, le journal «El Watan» sonde «l'arrière-pensée de la décision» du Souverain. Après avoir fait le tour de la question, ce journal parvient à cette déduction : «Cette mesure ne semble être qu'une manœuvre destinée à endosser la responsabilité du blocage de la construction de l'ensemble maghrébin à Alger». Et comme cette conclusion est bien maigrichonne compte tenu du vacarme fait autour du dossier, ce journal a rallongé son argumentaire en tirant tous azimuts sur le Maroc. «Le Maroc est un pays extrêmement pauvre. 20% de la population marocaine vit en dessous du seuil de la pauvreté absolue et la moitié est en situation de pauvreté relative». Droits de l'homme, économie, gestion des affaires, classement du PNUD, tout est bon pour ce journal pour décrire en épouvantail le Maroc. Tout ? Sauf l'objet principal. C'est à fois étonnant et emblématique de la nouvelle redistribution des cartes en Algérie. Les puissants d'hier tombent en disgrâce. Les patrons de presse sont derrière les barreaux. Les maîtres de la presse algérienne sont aujourd'hui des transfuges. Les journaux s'en trouvent orphelins. Ils se font l'écho de trop de voix paternalistes. Au reste, la lettre de M. Bouteflika a été saluée avec des hourras par «la Nouvelle république». Elle confirme, selon ce quotidien, «une position qui a toujours été constante et qui n'a pas changé d'un iota comme certains pourraient le croire». «L'Expression» fait de son côté un feu d'artifice à «la bonne foi de l'Algérie et la cohérence de ses positions à l'égard du dossier sahraoui qui transparaissent clairement à travers le message de M. Bouteflika à Kofi Annan». Fort bien. Mais ces journaux oublient de dire que par sa vigueur à défendre le polisario, la lettre de M. Bouteflika prouve, si besoin en était, que le Sahara est au cœur de la normalisation des relations entre le Maroc et l'Algérie.