La démission d'Abdelkrim Ghallab a été rejetée par le comité exécutif du parti de l'Istiqlal. L'intéressé a réagi en demandant un temps de réflexion. Il dit n'avoir aucun compte à régler avec Abderrazak Afilal et reproche à Abbas El Fassi de céder aux pressions. L'onde de choc de la démission d'Abdelkarim Ghallab secoue fortement le plus vieux parti politique au Maroc. Réunis mardi à Rabat, sous la présidence du secrétaire général, Abbas El Fassi, les membres du comité exécutif du Parti de l'Istiqlal ont rejeté à l'unanimité la démission du patriarche. Cette décision a été prise «en considération de la place qu'occupe M. Ghallab au sein du parti en tant que l'un de ses leaders historiques et l'un des symboles de la pensée istiqlalienne», indique le communiqué du comité exécutif du parti. M. Ghallab avait annoncé dimanche dernier sa démission du journal Al Alam et du Parti de l'Istiqlal, estimant que ses «convictions intellectuelle, nationale et politique ne sont plus en adéquation avec ce qui se produit» au sein du parti. Peut-il revenir sur sa décision après l'attachement très enthousiaste que lui ont témoigné les membres du bureau exécutif ? M. Ghallab déclare à ALM avoir pris connaissance du communiqué, «mais qu'une décision aussi importante ne s'improvise pas. J'ai besoin de temps pour réfléchir et étudier tous les aspects de la question, avant de trancher». M. Ghallab avait expliqué que sa démission intervenait en protestation contre la publication par «le quotidien Al Alam d'articles sans qu'il (Ghallab) soit consulté ni informé». Il a cité en particulier un article intitulé «Le réseau Laâfora tente de se venger d'Abderrazak Afilal». L'ancien directeur du journal Al Alam tient d'emblée à préciser qu'il n'a pas de compte à régler avec M. Afilal. «Je ne connais pas ce monsieur et ne l'ai pas vu depuis au moins deux ans. Il est cité dans une affaire abjecte, et je ne peux pas autoriser qu'Al Alam devienne un espace d'apologie de la débauche et de la corruption», dit-il. A-t-il des différends avec le secrétaire général du parti? «J'ai de la considération pour Abbas El Fassi. Il le sait d'ailleurs, puisque je n'ai épargné aucun effort pour qu'il soit nommé secrétaire général du parti et Premier ministre», répond Abdelkarim Ghallab. Alors tout va pour le mieux dans le meilleur des partis possibles ? Pas tout à fait. M. Ghallab reproche à Abbas El Fassi de ne pas tenir les rênes du PI avec une main ferme. «La gouvernance du parti est une chose et la prise des décisions en est une autre. Abbas El Fassi cède aux pressions de ceux qui dirigent le parti», dit-il. La décision consistant à défendre le secrétaire général de l'UGTM dans les journaux du PI a fait pourtant l'objet d'une réunion du bureau exécutif. Selon l'un de ses membres, Abbas El Fassi a fait son travail de leader démocratique. Il a demandé aux membres du bureau exécutif s'il fallait mettre «les instruments du parti à la disposition de M. Afilal» ; ils ont répondu par l'affirmative. Et c'est ainsi qu'un article défendant M. Afilal dans l'affaire de Laâfora-Slimani est passé sous le nez de l'ancien directeur d'Al Alam. L'affront a été tel que M. Ghallab ne s'est pas seulement contenté de démissionner du parti et du journal, il aurait insisté avec la plus grande vigueur pour qu'on supprime son nom de l'ours d'Al Alam. D'ailleurs, sa démission du journal ne semble pas émouvoir outre mesure les militants du parti. Le jeune istiqlalien Toufiq Hjira, également ministre délégué auprès du Premier ministre chargé du Logement et de l'Urbanisme, la qualifie de «détail ». «Ce qui nous importe c'est la présence de M. Ghallab à l'Istiqlal. Ce parti puise sa force de ses racines solidement ancrées dans l'Histoire du Maroc. Le PI est une vieille et robuste maison et Abdelkarim Ghallab en constitue l'un des piliers», a dit ce ministre, l'un des plus énergiques de l'actuel gouvernement. Le bureau exécutif du PI n'accorde pas non plus beaucoup d'intérêt au «détail» de la démission de M. Ghallab du journal. Selon M'hamed El Khalifa, il a ajourné le moment de s'y prononcer. En revanche, il a rejeté catégoriquement le départ du patriarche du parti, en insistant sur sa valeur historique. N'est-ce pas là une façon de rendre sa fierté au patriarche, mais tout en lui enlevant la responsabilité sur des sujets qui fâchent ?