Le président sud-africain Thabo Mbeki accueillera "officiellement" l'ancien président haïtien Jean Bertrand Aristide lundi à son arrivée à Johannesburg, nouvelle preuve de la volonté de Pretoria de faire entendre sa voix sur la question haïtienne. "Le président Thabo Mbeki recevra et accueillera officiellement le président Jean-Bertrand Aristide d'Haïti en Afrique du Sud à l'aéroport international de Johannesburg", indique un communiqué gouvernemental diffusé dimanche. L'arrivée de M. Aristide, qui se trouve en Jamaïque depuis le 15 mars, est prévue à 14H00 (12H00 GMT). M. Aristide, sa femme et ses deux enfants devraient s'installer dans une maison à Pretoria où il disposera de deux gardes du corps. Leur séjour, dont la durée est encore inconnue, sera entièrement pris en charge financièrement par l'Etat sud-africain. Mardi, l'ex-président participera à une conférence de presse aux côtés de la ministre sud-africaine des Affaires étrangères Nkosazana Dlamini Zuma. Si le communiqué gouvernemental ne donne pas de précisions sur la nature exacte de cet accueil "officiel", il témoigne en tout cas de la volonté des Sud-africains de ne pas abandonner l'ex-président qui a été contraint de quitter son pays le 29 février, confronté à une insurrection armée et des pressions internationales, notamment américaines et françaises. M. Aristide avait alors séjourné en Centrafrique pendant quinze jours, avant de rejoindre la Jamaïque. Le 13 mai, l'Afrique du Sud a annoncé qu'elle avait accepté que M. Aristide vienne "temporairement" sur son sol. "Il s'agit d'un arrangement temporaire jusqu'à ce que la situation à Haïti se stabilise et qu'Aristide et sa famille puissent y retourner", avait alors expliqué le porte-parole du gouvernement, Joel Netshithenzhe. Dans les mois qui avaient précédé cette annonce, le gouvernement sud-africain avait multiplié les signes allant dans le même sens. En janvier 2004, alors de M. Aristide est encore au pouvoir, Thabo Mbeki est le seul chef d'Etat à participer aux fêtes du bicentenaire de l'indépendance d'Haïti. "Nous sommes fiers d'avoir été associés à des célébrations qui ont montré aux Haïtiens que s'ils ont pu vaincre les esclavagistes britanniques, français et espagnols, ils doivent, avec le soutien adéquat, pouvoir combattre la pauvreté", déclare alors Mme Dlamini Zuma. Le jour même de son départ précipité d'Haïti, le 29 février, le gouvernement sud-africain publie un communiqué notant "avec une grande préoccupation" les développements en Haïti et rappelant que M. Aristide est un président "démocratiquement élu". Peu après, Pretoria demande une "enquête" sous les auspices de l'Onu pour "clarifier les circonstances ayant conduit" à son départ d'Haïti. A plusieurs reprises, des membres du Congrès national africain (ANC, au pourvoir) soulignent que l'Afrique a un devoir envers l'ancienne colonie française de Haïti, qui fut, en 1804, le premier pays au monde à se libérer de l'esclavagisme et du colonialisme. "Ce fut la révolte de Noirs contre le colonialisme : on ne peut pas oublier cela", explique ainsi Kader Asmal, président de la commission des Affaires étrangères à l'Assemblée nationale. Dimanche, le principal parti sud-africain d'opposition, l'Alliance démocratique (DA, droite libérale) a une nouvelle fois condamné la venue de l'ancien président haïtien. "Haïti se situe bien au-delà de notre sphère d'influence. Le temps et les ressources du gouvernement auraient été mieux utilisés pour résoudre les crises au Zimbabwe et au Soudan", a déclaré Douglas Gibson, son porte-parole. • Jérôme Cartillier