En entamant sa campagne de l'entre-deux tours mardi, Jacques Chirac a appelé à la mobilisation contre son adversaire Jean-Marie Le Pen, tout en redoutant un face à face direct avec le leader d'extrême droite. Pour Jacques Chirac, l'un des grands défis de ces deux semaines sera sans aucun doute de réunir sous sa bannière la droite parlementaire tout en essayant de rallier des électeurs de gauche désemparés. Le président sortant semblait d'ailleurs l'avoir compris en déclarant lundi qu'«aucune concession» ne serait faite au Front national et à tous ceux qui défendent des valeurs contraires à la République. «Ce qui est en cause, c'est l'âme de notre pays, la France est blessée», a-t-il ajouté en appelant les Parlementaires de l'opposition à l'union pour défendre la cohésion nationale. Car si le leader du RPR est bel et bien le grand vainqueur de la droite à l'issue du premier tour, son rôle pour le second scrutin, le 5 mai prochain, ne ressemble en rien à ses candidatures précédentes : il représente désormais une France qui rejette les thèses xénophobes et anti-démocratiques de son rival Jean-Marie Le Pen. L'heure est au rassemblement et aux consultations, qui n'ont d'ailleurs pas manqué lundi entre le président-candidat et ses alliés, puis ses rivaux. Ce mardi, après le refus de François Bayrou de se fondre dans un «moule», la présidente du RPR Michèle Alliot-Marie a elle aussi rejeté l'idée d'un «parti unique». Elle a plaidé pour la création d'un «système fédéral» regroupant les forces de droite qui partagent la même vision de la France et de l'Europe. « Je suis favorable à un grand parti, moderne, démocratique, à la refondation du RPR», a-t-elle expliqué, confirmant - s'il était nécessaire- que le résultat de dimanche impose aussi une remise en cause de la droite. L'arrivée au second tour de la bombe Le Pen soulève un autre point crucial, celui du traditionnel débat entre les deux adversaires. Lorsque la question a été posée lundi au directeur de campagne de M. Chirac, Antoine Rufenacht, celui-ci a assuré que le président-sortant «ne se déroberait pas». Certes, la réponse définitive doit venir du candidat lui-même, mais comment Jacques Chirac pourrait-il refuser cette confrontation ? Il ne peut que saisir cette occasion – qui lui est imposée par le vote – de se retrouver enfin dans un débat que la droite comme la gauche ont toujours refusé au leader du FN. Michèle Alliot-Marie s'est elle-même interrogée mardi sur la possibilité de la tenue d'un « débat digne », estimant que le candidat du Front national manie «davantage l'injure, l'insulte, que les idées». C'est pourtant en répondant aux facéties simplistes et mensongères par des arguments rationnels et réfléchis que l'on peut convaincre. Car, au-delà de la décomposition de la gauche et d'un Parti socialiste orphelin, la France a révélé dimanche une blessure. Une plaie que Jean-Marie Le Pen s'est appliqué à infecter depuis des années. Aujourd'hui le leader du FN, que l'on regardait vaciller il y a 4 ans, est d'ailleurs en train de vivre un rêve : à 73 ans, il se retrouve sur un pied d'égalité avec Jacques Chirac, et jubile à l'avance en pensant à un face-à-face télévisé qui le mettrait sous les feux des projecteurs. «Je suis prêt à rencontrer Chirac où il veut et quand il veut», a-t-il annoncé dès dimanche. M. Le Pen a même lancé une première offensive dès lundi en annonçant que s'il était élu, il retirerait la France de l'Union européenne. «Une question purement hypothétique» a répondu ce mardi un porte-parole de la commission européenne. Jonathan Faull a estimé qu'il s'agissait d'une «question d'une complexité juridique, économique et politique extraordinaire ». On attend la suite.