Sur les 16 candidats partants, quatre font figure de favoris dans ce premier tour à l'issue d'une campagne dépassionnée et dominée par la question sécuritaire, qui a mis en avant les thèses du FN. Verdict : dimanche soir. Certes, la bataille devrait se jouer entre le président-sortant Jacques Chirac et le Premier ministre-candidat Lionel Jospin à l'issue du premier tour. Mais cette élection présidentielle pourrait dévoiler un certain nombre de surprises. A côté des deux grandes composantes politiques, le RPR et le PS au coude à coude, le scrutin interpelle en effet sur un premier point : le «troisième homme» sera-t-il le chef d'extrême droite Jean-Marie Le Pen à défaut du centriste Jean-Pierre Chevènement ? Le leader du Pôle républicain n'a pas convaincu les Français, tandis que M. Le Pen pourrait bien battre tous les records après un retour en force. 14 % pour le FN, 6,5 % pour le PR, les chiffres parlent d'eux-mêmes (sondage CSA de vendredi). Autre nouveauté, la candidate de Lutte ouvrière (LO, extrême gauche), Arlette Laguiller, emboîte directement le pas avec 7 % d'intentions de vote. Historique. Même les deux candidats de la gauche plurielle, le Vert Noël Mamère et le communiste Robert Hue, tous deux à 5 %, n'arrivent pas à son niveau. Ni même François Bayrou (UDF, 6%), ou Alain Madelin (Droite Libérale, 3,5 %). Ni Corinne Lepage (Cap21, écologiste, à 1,5 %), et encore moins la dissidente UDF, Christine Boutin (1,5 %). De toute façon, sur les 16 candidats engagés dans cette campagne, seuls deux resteront en course pour le second tour, le 5 mai. A moins que l'un des prétendants n'obtienne la majorité absolue dès ce dimanche (le scrutin français est majoritaire à deux tours), ce qui reste plus qu'improbable. L'autre grand point d'interrogation dans ce premier tour : la participation des Français. Depuis le début, la campagne présidentielle n'a pas donné envie de voter à six Français sur dix ! Malgré ce devoir civique, près d'un électeur sur trois (30 %) affirme ne pas vouloir se rendre aux urnes dimanche. Côté thèmes de campagne, qui ont tourné autour de la question sécuritaire ces dernières semaines - avec la situation au Proche-Orient, ses répercussions en France et la tuerie de Nanterre -, moins de la moitié des électeurs (43%) interrogés se disent «bien informés sur ce que chaque candidat propose». Expliquant la raison de leurs réticences – ou de leur désintérêt - face à ce scrutin pourtant majeur, les Français affirment – à 74% - que «les candidats ne tiennent pas suffisamment leurs promesses», et - à 30 % - qu'ils «ne proposent pas de projets très différents» (SOFRES). L'opinion a en effet de plus en plus de mal à faire la distinction entre les programmes, en particulier ceux des deux grands candidats, Jacques Chirac et Lionel Jospin. Ce que les analystes expliquent par «la fin des idéologies, l'abandon des dogmes et la nécessité de gérer une économie de plus en plus mondialisée». Des phénomènes qui font que la droite et la gauche françaises se retrouvent proches dans leurs grandes orientations. Les socialistes ont en effet peu à peu abandonné le dirigisme étatique des origines pour se rallier à l'économie de marché. Au cours de son mandat à Matignon (1997-2002), Lionel Jospin a même privatisé plus d'entreprises que tous les gouvernements de droite ne l'avaient fait. La droite, elle, est restée fidèle à une certaine part de dirigisme avec les garanties sociales qui y sont associées et auxquelles tous les Français sont attachés. Ce que Jean-Luc Parodi, directeur de recherche au Centre d'études de la vie politique française (Cevipof), appelle « une modération générale ». Ce flou politique a en tout cas permis aux extrêmes de prendre la parole. Et de se faire entendre.