C'est un prêcheur d'un autre style, qui vulgarise les préceptes d'un islam sunnite tolérant, loin de toute pulsion extrémiste. L'Égyptien Amr Khalid se veut pour ses mentors une réponse aux groupes intégristes radicaux. Les conférences qu'il a organisées récemment au Maroc ont attiré un public impressionnant parmi les gens de la classe moyenne. Ni barbe, ni kamis. Plutôt costume-cravate et une moustache finement ciselée. Amr Khalid est un islamiste modéré, nouvelle vague, new look. De nationalité égyptienne, ce jeune expert comptable de formation a la gueule d'un acteur de cinéma, la tête d'un premier de la classe avec sa jolie frimousse et ses yeux doux. Préparant son doctorat dans la chariaâ islamique, Amr Khalid a investi un créneau particulier : le prêche des préceptes de l'islam et la vulgarisation de la conduite du prophète Sidna Mohammed. Le recueillement dans la prière, le port du voile, la bonne éducation… Il s'en tient à cette approche de la religion pure et dure, loin de l'instrumentalisation qui en est faite par les mouvements islamistes extrémistes. La politique, M. Amr ne la fait pas. Son dada c'est la pédagogie de l'islam dans son aspect moral et comportemental. Cette star de l'islamisme moderne, car c'en est une, a un fan club un peu partout à travers le monde musulman y compris au Maroc. Il a été découvert lors du ramadan de l'année dernière sur la chaîne religieuse Iqra qui fait partie du bouquet Arte de Cheikh Saleh. Après la cérémonie du ftour, vers 20 heures 30, il officiait tous les jours de ce mois sacré. À chaque fois, un thème en relation avec les règles de l'islam avec à la clé des hadith du prophète et des paroles sages de ses compagnons. L'audimat sur ce créneau horaire avait atteint certainement des sommets. Il faut noter que la prestation ramadanesque de Amr Khaled est venue après les événements du 11 septembre, marqués par les attentats dramatiques du World Trade Center et du Pentagone. Coïncidence ou pas, l'Arabie Saoudite montrée du doigt puisque la plupart des kamikazes sont issus de ce pays voulait-elle se racheter vis-à-vis des Américains en montrant à travers Amr Khaled le visage d'un islam modéré et tolérant. Une espèce de contre-feu pour éteindre l'incendie gigantesque mondial et qui a ravagé la planète. Rien de tel qu'un Amr Khaled pour calmer les esprits et promouvoir un islam tolérant. L'orateur allie, en effet, l'art de la séduction et le don de communiquer. Un langage simple, accessible même dans le dialecte égyptien que les Marocains, à force de regarder les films du pays des Pharaons, ont appris à comprendre. Quand les supporteurs marocains de Amr Khalid, qui se recrutent parmi la classe moyenne, ont appris qu'il allait “ se produire“ chez eux, ils ont afflué en grand nombre de tous les coins du pays. Le prédicateur a donné récemment deux conférences, l'une à Fès et l'autre à Casablanca, sur invitation du centre culturel égyptien au Maroc. À Fès, il devait faire son intervention à la faculté de la chariaâ, mais il n'a pas le faire pour avoir été hospitalisé d'urgence à cause d'une crise néphrétique aiguë. C'est le lendemain qu'il animera sa conférence dans un autre endroit, la salle de la préfecture de Zouagha Moulay Yacoub. On se bousculait pour assister à ses conférences qui font salle comble. Comme l'affluence était très grande dépassant toutes les prévisions, les organisateurs ont dû refuser du monde. Certains étaient même prêts à payer pour pouvoir entrer. À la fin de la prestation, les spectateurs se pressent pour se photographier avec lui. Un moment de détente avant qu'il ne quitte la salle dans la voiture où il est venu, une voiture diplomatique de l'ambassade égyptienne à Rabat. D'emblée, une chose attire l'attention : le public du prédicateur égyptien est formé en grande partie de femmes et de filles voilées. Ce qui fait dire à une mauvaise langue que Amr Khalid est “ le Abdelhalim Hafed des islamistes“. Il faut voir comment ses admiratrices le regardent, suspendues à ses lèvres, buvant ses paroles comme une potion magique. “ Amr Khalid sait faire aimer l''islam“, explique une jeune dame. Si le prédicateur a un succès auprès de la gent féminine c'est parce qu'il affirme que le premier à croire dans le prophète c'est une femme, en l'occurrence Khadija qui deviendra son épouse“, souligne un jeune homme qui n'écoute dans sa voiture que les cassettes du prêcheur. Un prêcheur d'un autre style qui rassure en ces temps troubles, marqués par une confusion entre islam et terrorisme à cause de groupes activistes de plus en plus radicaux se réclamant d'un islam politique qui fait peur.