Search for Common Ground news Le : 2008-03-24 Washington - Malgré la crise politique chronique dans laquelle il patauge, le Liban, malade de ses institutions, obtient de bons résultats dans un domaine où, paradoxalement, il n'a que peu d'expérience: le contre-terrorisme. Il y a cinq mois, l'armée libanaise livrait dans le nord du pays une bataille, sanglante mais victorieuse, contre le Fatah al-Islam, mouvement qui se réclame d'al-Qaeda. Aujourd'hui encore, les Libanais redoutent de voir le scénario de Nahr al-Bared se répéter dans un autre camp de réfugiés palestiniens. Et leurs craintes sont plus que justifiées. Le mouvement salafite militant du Liban a subi un lourd revers à Nahr al-Bared. Cependant, grâce à sa fluidité et aux circonstances favorables dans lesquelles il opère - contexte politique fortement polarisé et tensions sectaires exacerbées - il est capable de se regrouper et de se doter de nouveaux chefs. Al-Qaeda en Irak n'a pas renoncé au Liban et les frontières syro-libanaises sont encore loin d'être sécurisées. Mais les raisons d'être optimistes sont plus convaincantes encore. Tous les efforts et les initiatives récemment déployés par l'administration libanaise, par la société civile et par les institutions religieuses officielles visaient à faire reculer la radicalisation du nord. Il semblerait que le pays dans son ensemble commence à aborder la menace du militantisme salafite d'un point de vue stratégique. L'armée libanaise comme les institutions responsables de la sécurité s'accordent à reconnaître que la solution du recours à la force pour neutraliser la menace du radicalisme militant a ses limites. Il faut s'en féliciter. La campagne de contre-terrorisme s'oriente donc dans la bonne direction. Dans l'ensemble, les responsables libanais prennent conscience du principe suivant: l'antidote le plus puissant qui existe au Liban contre les idéologies militantes et extrémistes, c'est une approche socio-économique des problèmes, fondée sur une politique de développement équilibré. Voici quelques semaines, Saad Hariri, chef de la majorité parlementaire, annonçait la mise en route d'importants projets de développement, d'enseignement et de santé à Tripoli, Akkar et autres régions du nord du pays, pour un montant de 52 millions de dollars. A l'origine, ces programmes devaient être réalisés par l'Etat libanais, mais le déficit budgétaire a rendu leur financement très compliqué. Dans le même temps, le Cheikh Malek Al Sha'ar, le mufti de Tripoli du Nord récemment élu et l'érudit le plus galonné de la hiérarchie sunnite annonçait la promulgation d'un nouveau programme intégré pour Dar al-Ifta', l'établissement religieux sunnite du Liban, qui vise à créer une direction de l'éducation religieuse qui aurait pour tâche de superviser les écoles, collèges et instituts islamiques, et un conseil consultatif composé de tous les partis et groupements islamiques du Nord. Cet organisme serait d'un grand secours en assurant que les activités des mouvements islamiques du Nord ne sortent pas des lignes et ne flirtent pas avec l'extrémisme. A la Direction des Forces de Sécurité Intérieures (FSI), le Général Ashraf Rifi a rencontré une importante délégation de prédicateurs et d'érudits sunnites, ainsi qu'avec les directeurs et présidents des organisations et les instituts les plus salafites de la région Nord. Le but était d'amorcer un dialogue et d'établir des relations de coopération avec ces divers organismes, dont l'accès aux communautés sunnites et le rôle qu'ils jouent en convaincant les éléments extrémistes de répudier l'extremis et le militantisme est indispensable. Il ne faut pas oublier non plus tous les efforts déployés pat la communauté internationale pour aider le Liban à se relever du fiasco de Nahr al-Bared. L'intervenant principal est ici l'UNRWA. Associé à une vingtaine d'organisations non gouvernementales, cet organisme a mis en place des mesures préventives pour les enfants de Nahr al-Bared, notamment des activités psychologiques et de loisirs. L'UNRWA a également donné à des enseignants une formation qui leur permet de dépister les signes de traumatisme et de faire les signalements nécessaires. Dans la deuxième quinzaine d'avril, une conférence des donateurs lèvera des fonds pour la reconstruction de Nahr al Bared. Des gouvernements étrangers, Arabie Saoudite et Norvège entre autres, ainsi que des partis politiques libanais, dont le Bloc parlementaire du futur de Saad Hariri, ont aussi apporté une assistance financière et logicielle conséquente pour le processus de reconstruction de Nahr al-Bared. Ebranlée par l'expérience cruelle de Nahr al-Bared, la société libanaise semble bien décidée à effacer tout souvenir des événements de l'été dernier et à veiller que ce scénario ne se reproduise plus jamais. Certes, certaines mesures ont été mises au point par une combinaison d'actions nationales et étrangères, mais elles restent dans l'ensemble en dehors des frontières de l'Etat libanais. Pour donner son plein rendement, la campagne de contre-terrorisme doit appartenir à l'Etat libanais lui-même. Il faut en effet que tous les Libanais (comme aussi la communauté internationale) la considèrent comme un effort collectif, plutôt que particulariste. Seul l'Etat et les vastes ressources dont il dispose (emploi, éducation, sécurité sociale et bien-être général) peuvent neutraliser, puis éliminer la menace de l'extremis religieux militant au Liban. C'est pourquoi il faut impérativement sortir de l'impasse politique dans laquelle le Liban s'est enlisé et de réactiver immédiatement toutes les institutions de l'Etat libanais. Il suffit de regarder l'Irak pour voir qu'al-Qaeda se repaît de vide politique et prospère sur les lignes de fracture de la société. Puisse le Liban en prendre de la graine.