Le matin même, la commission centrale de discipline de la Fédération française de football (FFF) avait infligé au gardien de but de l'Olympique de Marseille (OM) et des Bleus une suspension de six mois, dont trois avec sursis pour avoir insulté et craché sur un arbitre marocain, le 12 février, à Casablanca. (Le Monde du 23 avril). Quelques heures plus tard, le bureau du conseil fédéral a annoncé qu'il faisait appel de cette décision auprès de la commission supérieure de la FFF. La première fédération sportive de France a fait savoir qu'elle avait "constaté le décalage entre cette décision et les dispositions du chapitre 1.5 du barème des sanctions (…) qui prévoit, en cas de bousculade volontaire, tentative de coups et crachats à l'encontre d'un officiel une sanction de six mois de suspension ferme incompressible susceptible d'être aggravée d'une peine pouvant être assortie de sursis". L'appel étant non suspensif, Fabien Barthez devait disputer, quoi qu'il en soit, à Nantes, samedi 23 avril, son dernier match de la saison. La sanction infligée au gardien de l'OM, inférieure aux minima prévus par les règlements de la FFF, a provoqué, vendredi 22 avril, de nombreuses réactions. Indigné par les propos du président de la commission de discipline, Jean Mazzella qui distinguait le fait que le crachat ait atteint la poitrine et non le visage de l'arbitre marocain Abdellah El Achiri , plusieurs personnalités se sont étonnées d'une telle clémence, à commencer par Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative. "Ma surprise tient à ce que doit être le respect de l'arbitrage", a-t-il expliqué. L'attaquant international marocain Hicham Aboucharouane a regretté, quant à lui, "que la sanction n'ait pas été lourde. Barthez, par son geste à Casablanca, a porté gravement atteinte à l'image du football marocain". Ulcéré, Bernard Saules, président de l'Union nationale des arbitres français (UNAF), a qualifié cette sanction de "grotesque". "C'est se moquer du monde, a-t-il affirmé. Je suis très en colère. Le sursis ne veut rien dire. Je ne pense pas que Barthez soit assez stupide pour recommencer ce genre de choses. On n'avait qu'à lui donner une semaine ferme et cinq ans avec sursis !" Dominique Rocheteau, président du conseil national de l'éthique de la FFF, a estimé la décision "un peu légère", espérant surtout qu'elle ne "fasse pas jurisprudence". "Il existe un décalage entre les textes qui prévoient six mois pour un crachat sur officiel et la sanction qui porte finalement sur quatre matches (de L1). La commission a jugé en son âme et conscience. Barthez s'est sans doute bien défendu, mais on a aussi sans doute tenu compte de sa carrière", a-t-il ajouté. Du côté de l'Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), la décision a en revanche été saluée. Philippe Piat a considéré que la sanction était adaptée. "Cela répond bien au problème, a déclaré le président du syndicat des joueurs. Avec l'UNFP, on a fait des enquêtes sur les incidents de ce type au Maroc. Ils sont pour la plupart sanctionnés d'une suspension de trois matches. Quand un automobiliste allemand vient en France et qu'on lui met un PV, on le fait avec les us et coutumes locales. Je ne comprends pas pourquoi la Fédération a voulu sanctionner elle-même Barthez, alors que c'était un match international disputé au Maroc." Les joueurs se montrent plutôt solidaires avec le champion du monde (1998) et d'Europe (2000). Selon Jérémie Janot, gardien de l'ASSaint-Etienne, le fait qu'il y ait une "sanction prouve qu'il n'existe pas de passe-droit, même si celle-ci n'est pas trop lourde". En stage à La Baule (Loire-Atlantique), les joueurs de l'OM, comme Habib Beye ou Benoît Pedretti, ont regretté que le gardien ne puisse finir la saison à leur côté. "Cette sanction ne tombe pas au bon moment, dans le "money-time"", a ainsi déploré le milieu de terrain. Philippe Pech de Laclause, avocat du gardien, a dénoncé les "pressions émanant notamment du ministre des sports exercées sur la FFF pour qu'elle fasse appel de la décision… Ce n'est pas comme cela que l'on rend une justice équitable." Même si la France du football ne l'a pas aussi clairement exprimé, sa majorité pense tout bas ce que Grégory Coupet, gardien de Lyon, a clamé haut et fort. "La FFF n'a pas été assez folle pour suspendre Barthez sur une longue durée, afin qu'il puisse disputer en septembre les matches qualificatifs pour le Mondial 2006. C'est ce à quoi je m'attendais", a déclaré celui qui est la doublure du "divin chauve" chez les Bleus. Pierre Lepidi LE MONDE