Le secrétaire général du syndicat national de la presse marocaine (SNPM), Younès Moujahid, estime que l'Etat doit aider le corps journalistique et non se substituer à lui. ALM : Que pensez-vous de la volonté du gouvernement de créer une commission pour se pencher sur les cas de diffamation parues dans la presse? Younes Moujahid : Jusqu'à présent, il est difficile de s'avancer sur les objectifs du gouvernement quant à la création de cette commission ministérielle. La déclaration du ministre de la Justice, Mohamed Bouzoubaâ, face aux membres de la Chambre des conseillers est assez confuse. Il semblerait que le gouvernement est en train de réfléchir à créer une telle commission. Toujours est-il que, quant au principe, il ne faut pas oublier que le code de la presse est compétent en matière de diffamation. Tout citoyen qui estime qu'un article de presse a été diffamatoire ou injurieux à son encontre à entièrement le droit de porter plainte devant les tribunaux du pays. Je pense que nous devons tous défendre ce principe. Et aucune déviation de cette ligne ne pourrait-être tolérée. Qu'en est-il de l'idée du rôle de la presse elle-même dans la prévention de certains dérapages? Justement, c'est un élément extrêmement important à notre avis. L'organisation de notre métier ne pourrait être réalisée que par les journalistes eux-mêmes. Pour nous, le maître mot est l'autorégulation. A cette occasion, je vous signale que nous avons annoncé la création d'une nouvelle instance qui se penchera sur le respect de la déontologie de la presse au Maroc. Cet organe, entièrement indépendant des pouvoirs publics, regroupera le SNPM, quatre associations des droits de l'homme, l'union des écrivains du Maroc, Transparency Maroc, la fédération des éditeurs et trois personnalités marocaines connues pour leur intégrité et leur compétence. Quand cette instance sera-t-elle opérationnelle? Elle sera opérationnelle très bientôt. Nous sommes bien avancés. Je tiens à préciser que nous avons terminé le travail de préparation des statuts de cette instance. Cette idée de créer un organe de régulation, nous ne l'avons pas inventée. Ça existe dans bon nombre de pays démocratiques. C'est le cas en Grande-Bretagne, en Allemagne ou en Catalogne. Les instances de ce type sont capables de prononcer des sentences contre organes de presse coupables de diffamation, par exemple. Aussi, ces instances jouent le rôle d'observatoire. Pensez-vous que les sentences de cette instance seront dissuasives? Je pense que son impact sera positif. Une condamnation émanant de cette instance aura une force morale incontestable. L'effet se fera directement sentir sur la crédibilité de l'organe condamné pour diffamation. S'il perd sa crédibilité, un organe de presse, surtout indépendant, risque également de perdre la publicité. En tout cas, une discussion avec les autorités gouvernementales est nécessaire pour mener à bien ce projet. La création de cette commission ministérielle ne serait-elle pas un moyen d'aider la profession? On ne le dira jamais assez: l'Etat doit se contenter d'aider le corps des journalistes et non se substituer à lui. En tout cas, toute action autoritaire de la part de l'Etat ne peut être que rejetée par les journalistes. Que pensez-vous des journaux qui publient des informations sur la vie privée des personnalités publiques ou sur leur passé? Tout d'abord, il faut signaler que la presse populaire existe dans tous les pays du monde. Cela fait partie de la démocratie et c'est justement le prix à payer pour avoir de cette démocratie. Ceci-dit, il y a des cultures qui tolèrent plus ou moins l'immixtion dans la vie privée des personnalités publiques, comme un ministre par exemple. L'essentiel, à mon avis, c'est d'éviter la diffamation et l'insulte. Un journaliste ne doit publier que les informations dont il possède les preuves. Il ne doit pas juger les actes des uns ou des autres. Il doit se contenter d'informer. Le tribunal, par contre, est habilité à juger de la véracité de ces informations. Vous pensez aux révélations de Boukhari? En effet, si des informations concernent la dilapidation des deniers publics ou la violation des droits de l'homme, la Justice doit être saisie. Elle doit effectuer son enquête pour savoir si les informations parues dans la presse sont réelles ou pas.