Cet après-midi ensoleillé du mois de mai, une grande activité gagne le port de pêche de Tanger. Quelques bateaux rentrent après de longues heures passées en haute mer. Certains «raïs» et autres membres de leurs équipage de la pêche côtière semblent bien satisfaits des prises de poissons effectuées lors de leur dernière sortie. D'ailleurs, c'est la haute saison pour les professionnels de cette catégorie de pêche. «C'est la période la plus propice pour la pêche de l'espadon et du thon», précise-t-on. Sur le quai du port de pêche, des pêcheurs réparent des filets, alors que d'autres, artisanaux trient ou nettoient les poissons capturés lors de cette journée. Ils se considèrent comme des membres d'une même famille, puisqu'ils partagent plusieurs choses en commun. «Nous passons ensemble la plupart de notre temps à pêcher en haute mer ou à faire d'autres activités sur le port», disent raïss Abdesslam et trois membres de son équipage rencontrés sur le quai du port alors qu'ils se préparent pour sortir pêcher dans une petite barque en haute mer. Non loin de ce port de pêche se trouvent les deux gares maritimes. Les armateurs et les marins- pêcheurs sont bien informés du lancement des travaux du transfert progressif des activités du port ville passagers vers le grand complexe portuaire Tanger- Med. Mais ils se disent ne pas se sentir concernés pour le moment par cette opération de transfert. «Nous sommes confiants quant à l'avenir du port de Tanger dans son ensemble. Nous avons tenu dernièrement une réunion avec les responsables de la wilaya, qui nous ont rassurés sur notre sort. Et nous continuons à exercer pour le moment notre activité dans l'actuel port de pêche», déclare le président de l'Association des armateurs de la pêche côtière au port de Tanger, Mohamed Khaïri. Et de poursuivre : «je pense qu'avec le grand projet de reconversion du complexe portuaire de Tanger- ville en port touristique et de plaisance, nous serons installés au même endroit ou un autre plus proche de l'actuel port de pêche. Car le port de pêche a toujours été parmi les endroits les plus visités par les touristes nationaux et étrangers». Par ailleurs, la plupart des armateurs et des marins- pêcheurs exerçant au port de Tanger ont hérité leur métier de père en fils. Comme c'est le cas de M. Khaïri qui y travaille durant trente-cinq ans. «J'ai commencé à exercer ce métier depuis l'âge de dix-sept ans. J'ai débuté comme ouvrier journalier dans la réparation des filets de pêche. J'ai travaillé ensuite comme marin sur un bateau de pêche côtière avant de devenir raïs d'équipage. J'ai toujours aimé mon métier de marin-pêcheur et je m'y suis donné tout entier. Ce qui m'a permis d'acquérir quelques années après un bateau et d'exercer dans la pêche côtière», se souvient M. Khairi. Considéré comme l'un des lieux mythiques de la ville, le port de pêche de Tanger qui s'étend sur une superficie de 5 ha «n'a pas connu une véritable extension depuis sa création il y a plusieurs dizaines d'années, surtout que la flotte locale compte près de 600 bateaux (de pêche côtière et artisanale)», explique M. Khaïri avant de faire remarquer que «l'étroitesse du port provoque une sorte de désordre et d'anarchie sur le quai et la cale d'accostage». Selon les professionnels de la pêche, peu d'armateurs du port de Tanger disposent de locaux, qui sont très petits. Ils les utilisent, de ce fait, comme bureau. Ces armateurs sont ainsi obligés de ranger les filets et le matériel de pêche sur le quai. «Nous aurions aimé que notre port soit un modèle de propreté mais le manque d'espace nous empêche d'atteindre cet objectif. Et sans parler bien sûr de l'autre problème des candidats à l'émigration clandestine qui continuent d'envahir le port de pêche», regrette M. Khaïri. Les armateurs de pêche artisanale se disent plus touchés par la situation de congestion dont souffre ce port. «Le port a connu dernièrement la démolition des baraques qui ont été utilisées particulièrement par des propriétaires de petits bateaux de pêche artisanale pour garder leurs moteurs, filets et autre matériel de pêche», révèle Abdellah Khomsi Kintez, raïss et propriétaire d'une barque de pêche artisanale. Ce dernier précise que les armateurs de la pêche artisanale sont autorisés depuis à déposer leurs moteurs de leurs barques ainsi que leur matériel de pêche dans un grand dépôt au port de pêche. «Ce dépôt n'est pas bien gardé. Et les professionnels de pêche artisanale sont ainsi menacés de vol de leurs biens. Personnellement et par des mesures de précaution, je garde le moteur de ma barque et mon matériel de pêche dans les locaux de mes cousins qui exercent dans la pêche côtière», confie M. Khomsi. Selon les professionnels, la congestion que connaît ce port s'aggrave pendant la période de pêche de l'espadon. «Le port de pêche vit pendant cette période une ambiance de foire avec l'afflux de navires en provenance d'autres régions pour pêcher lors de cette saison dans cette zone». Outre le manque d'espace, le port de pêche de Tanger souffre d'une insuffisance d'infrastructures. «Le port manque presque de tout, il n'a connu, depuis sa création, aucun renforcement ou rénovation de son infrastructure. Nous avons pu grâce aux efforts de tous les professionnels installer, ces dernières années, un chantier naval au port de pêche. Et nous sommes arrivés ensemble à l'équiper», a affirmé M. Khaïri, avant de poursuivre que «cela nous a facilité notre travail à l'intérieur du port de pêche. Nous y réalisons depuis les travaux d'entretien et de réparation surtout que l'ancien chantier naval se trouvait auparavant à l'extérieur du port de pêche». Les professionnels sont conscients que leur avenir va changer avec la reconversion du complexe portuaire Tanger- ville en port touristique et de plaisance. En attendant la concrétisation de ce grand projet, ils continuent d'exercer leurs activités dans un port de pêche qui souffre d'un manque d'infrastructures de base.