Le Maroc aurait un gouvernement irresponsable socialement et «que l'on devrait auditer», c'est en ces termes que s'est exprimé, non sans ironie, Miloudi Moukharik, secrétaire général de l'UMT, lors d'une rencontre-débat tenue autour de la RSE, mardi 26 mai, à Casablanca. Organisée par l'Association pour le développement de la RSO (responsabilité sociale des organisations) au Maroc, cette initiative a invité plusieurs acteurs économiques et sociaux à partager leur perception du sujet. La RSE serait-elle une nécessité ou plutôt un luxe que se permettent les grandes structures? Réponse. Loin d'être un effet de mode, la RSE est une fatalité à laquelle seront confrontées les différentes organisations au Maroc. Ceci est le constat fait à l'unanimité par Nabil Ziatt, PDG de Stroc Industries, Mohammed Fikrat, PDG du Groupe Cosumar, et Miloudi Moukharik, tous les trois invités à débattre du sujet. En effet, qu'il s'agisse des directives du discours du Trône de 2010, de la loi cadre 99-12 qui oblige les entreprises à intégrer le développement durable dans leur fonctionnement, du lancement du label RSE par la CGEM ou des exigences internationales, tout prête à dire que la RSE s'impose d'elle-même. Seulement voilà, en attendant que la législation soit davantage mise à niveau, l'adoption de ces valeurs sociales dépend à l'heure actuelle de la conviction des dirigeants et chefs d'entreprises. A ce propos, Nabil Ziatt explique : «Ma rencontre avec la RSE s'est faite il y a environ 5 ans au lancement du label par la CGEM. J'avais compris qu'il s'agissait simplement de la bienfaisance. C'est au moment où on a eu des grèves que j'ai compris qu'il s'agissait de recentrer l'homme au sein de l'entreprise. Il fallait former les managers au respect des valeurs de la RSE et décliner cette notion vers le bas au lieu de la confiner aux postes de décision». Pour le secrétaire général de l'UMT, la formation syndicale est le seul moyen de propager la culture RSE. «Les entreprises commencent à assimiler ce concept et respecter leur personnel en organisant des élections des délégués au lieu de dresser un procès-verbal de carence comme c'était souvent le cas avant». Pouvoirs publics : Quelles responsabilités ? Moukharik ajoute toutefois, et de manière globale, qu'au Maroc il faut d'abord commencer par l'application des lois sociales, du code du travail, de l'immatriculation à la CNSS, et la sauvegarde de la santé au travail. C'est justement là où le rôle des pouvoirs publics intervient. «Il ne faut pas que les pouvoirs publics laissent le monde du travail et l'entreprise marocaine se débattre dans de cela. Il faut de vraies méthodes d'accompagnement des entreprises RSE. Il faut mettre en place des mesures incitatives et encourageantes telle la facilitation d'accès aux marchés publics. La CGEM doit également être plus offensive dans la propagation de cette culture. Autrement, ces labels RSE ne seraient pas plus qu'un trophée accroché dans les bureaux des patrons», précise-t-il. En évoquant la grève générale à laquelle l'UMT a appelé en octobre dernier, le secrétaire général du syndicat n'a pu s'empêcher d'ajouter : «Le gouvernement est socialement irresponsable. Nous devons l'auditer car il viole le principe sacro-saint du dialogue et négociations. La base même de la RSO». Au-delà des mesures incitatives et du rôle des pouvoirs publics, Mohammed Fikrat a relevé un point que doivent assimiler les entreprises, notamment vis-à-vis des fournisseurs. Il explique à cet effet : «Il faut être responsable pour se fixer un minimum de normes et référentiels dans le choix des fournisseurs. Ces derniers doivent être socialement responsables. C'est seulement à ce moment-là qu'on parle du mieux disant et donc de la dimension économique». Quant aux retombées de la RSE, Ziatt indique qu'il est difficile de les mesurer quantitativement mais, «une nette amélioration a été notée. Un dialogue social est ouvert et nous avons moins de turnover par exemple. Quand le personnel est respecté, la productivité est naturellement bien meilleure». Sur ce même point, le pdg de Cosumar précise que l'adhésion aux valeurs de la RSE permet aux entreprises et aux dirigeants de s'attaquer aux vrais enjeux. «On évite considérablement tout gaspillage de l'intelligence collective de l'entreprise. On revient donc à notre mission première qui est la création de valeur. D'ailleurs, entre 2006 et aujourd'hui, notre production a été multipliée par deux». En somme, la RSE ne serait pas un luxe mais reste très peu connue. Les participants au débat ont appelé dans ce sens à un plus grand travail de promotion car aujourd'hui, seules 70 entreprises ont été labellisées par la CGEM.