Ils seraient plus de 3.000 enfants à souffrir de la thalassémie au Maroc. Une estimation faite par l'Organisation mondiale de la santé. Or la réalité sur le terrain reste plus fatale que la maladie elle-même. A peine 300 cas sont traités. En 2015, le nombre de patients atteints ne dépasse pas les 115 enfants. Ceci démontre clairement la méconnaissance de cette pathologie qui est à ce jour sous-diagnostiquée. Le 9 mai, journée mondiale de la thalassémie, est donc une occasion pour les professionnels de la santé, notamment les hématologues, de démontrer la gravité de cette maladie mortelle. Contacté par ALM, Mohamed Khattab, chef du service d'hématologie et d'oncologie pédiatrique au CHU Ibn Sina à Rabat et président de l'Association marocaine de thalassémie et des maladies de l'hémoglobine, explique qu'«il s'agit d'une maladie génétique, grave, coûteuse et contraignante. Il faut sensibiliser la population à ce propos et lever l'amalgame en l'occurrence l'hypothèse d'une anémie sévère. Certains parents, issus des zones rurales, croient même en une malédiction qui touche leurs familles alors que les antécédents familiaux sont les premiers facteurs de risque». En effet, seuls les enfants nés de parents porteurs du gène bêta-thalassémie peuvent développer les symptômes de la maladie appelée «Thalassémie majeure». Les premiers signes de la maladie se manifestent entre 6 et 12 mois: une pâleur cutanée puis des anomalies de squelette, notamment l'apparition d'une bosse frontale. Les enfants, qui héritent du gène porté par un seul parent, sont, donc, porteurs d'une thalassémie mineure, à ce niveau la maladie est asymptomatique. «Le mariage consanguin est l'une des origines de la maladie. D'où l'importance de faire des dépistages prénuptiaux. La maladie peut toucher 25% des enfants nés d'un mariage de couple porteur du gène», révèle Professeur Khattab. Le traitement se veut pour sa part chronique et coûterait de 100.000 à 200.000 dirhams par an. Face à ce lourd coût, la greffe de la moelle osseuse est le seul remède. Cette pratique, dont la réussite est garantie à hauteur de 95%, coûte environ 5 ans de traitement, soit une estimation d'un million de dirhams. Après, le patient est totalement guéri. L'âge idéal pour la greffe se situe entre 2 et 8 ans. Cependant, cette pratique au Maroc est presque inexistante. Deux interventions ont été réalisées au niveau du centre hospitalier de Marrakech mais elles n'ont pas dépassé le stade de l'expérimentation. Le traitement le plus courant au niveau national est celui de la transfusion et de la chélation. Si le patient est suffisamment transfusé, il pourrait vivre au-delà de 20 ans. En manque de traitement approprié, la mort surgit entre 5 et 8 ans. Suite à ce constat alarmant, professeur Khattab appelle à la proximité du soin. «Plusieurs familles renoncent au traitement du fait qu'elles ne disposent pas de centres de transfusion proches de leurs domiciles. Sur 16 régions, nous disposons de 11 centres dont trois connaissent une grande affluence, notamment ceux de Casablanca et de Rabat», déclare le médecin. Mohamed Khettab interpelle les décideurs à améliorer la prise en charge des patients qui depuis 2011 ont un accès gratuit au traitement. Notons que certains pays sont arrivés à éradiquer la maladie, en imposant des mesures contraignantes aux personnes porteuses du gène. Pour le cas du Maroc, le dépistage précoce reste la première urgence à instaurer. Selon Professeur Khattab, le test sanguin existant ne dépasse pas les 300 dirhams. Dans le cadre d'une campagne de sensibilisation menée par l'Association marocaine de thalassémie et des maladies de l'hémoglobine, 10.000 lycéens de Rabat ont subi ce test. Résultat : 150 cas porteurs du gène ont été détectés.