Le professeur Mohamed Ali El Hassani, de l'université Mohammed V de Rabat, estime que le gouvernement devrait mettre tous les moyens nécessaires à une action efficace à la disposition de la Cour des Comptes. ALM: A quoi sert la Cour des Comptes? Mohamed Ali El Hassani: Il faut tout d'abord rappeler que l'ancêtre de la Cour des Comptes est la fameuse Commission nationale des comptes. Depuis sa création, c'est un organisme mort-vivant. En principe, la Cour des Comptes est compétente à intervenir en matière de contrôle financier dans les organes étatiques, les établissements publics ou semi-publics, les collectivités locales, etc. Bref, là où il y a de l'argent public la Cour des Comptes peut intervenir. Pourquoi, à votre avis, l'opinion publique nationale n'a pas la possibilité de consulter les rapports de la Cour des Comptes? Force est de constater que la Cour des Comptes n'a pas réussi à jouer le rôle efficace en matière de contrôle des dépenses des deniers publics et leur protection contre les dilapidations et les détournements de tout genre. Pour être objectif, il faut reconnaître que l'un des points faibles de la Cour des Comptes, ce sont les ressources humaines. Elle manque cruellement de cadres compétents, capables de vérifier des comptes aussi complexes que ceux de l'Etat, des établissements publics ou des collectivités locales. Il est extrêmement difficile de trouver des magistrats initiés à la fois dans le domaine juridique et financier. Ceci-dit, la volonté politique de faire de la Cour des Comptes un organe efficace faisait aussi défaut. Les rémunérations sont dérisoires, comparées à ce qui se pratique à l'Inspection générale des Finances. En somme, la Cour des Comptes a été longtemps considérée comme la dernière roue de la charrette. Et aujourd'hui, pensez-vous que la Cour des Comptes et ses antennes régionales soient capables d'évoluer vers plus d'efficacité? La volonté politique est bel et bien affichée. La nomination d'Ahmed Midaoui au poste de président de la Cour des Comptes est un signe assez fort allant dans ce sens. C'est un homme des Finances, qui connaît très bien les rouages des finances publiques. C'est également un ancien ministre de l'Intérieur. Ses connaissances des finances des collectivités locales sont également un atout indéniable pour que l'action de la Cour des Comptes soit plus efficiente. La nomination d'un président compétent est-elle une action suffisante pour re-dynamiser toute l'action de la Cour des Comptes qui a sombré dans l'apathie depuis sa création? Effectivement, ce n'est pas suffisant. Le projet démocratique défendu par SM Mohammed VI englobe un contrôle strict des finances publiques. La volonté politique étant acquise, la balle est maintenant dans le camp du gouvernement pour doter la Cour des Comptes des moyens nécessaires à sa mission. Quels genres de moyens faut-il mettre à la disposition de la Cour des Comptes? Je pense notamment aux moyens humains. El Midaoui a lancé une campagne de recrutement. Il faut que l'objectivité prime dans cette opération de recrutement. C'est extrêmement important. Car l'inverse signifierait la condamnation de l'action de la Cour des Comptes pour les années à venir. Selon certaines rumeurs, l'objectivité totale n'est pas respectée dans cette campagne de recrutement. Je suis incapable de confirmer ces rumeurs, mais c'est une occasion d'attirer l'attention des responsables de la Cour des Comptes sur l'importance de ces recrutements. Quels sont, selon vous, les critères objectifs de recrutement? La compétence est le critère principal à tenir en considération. Toutefois, les fonctionnaires qui ont séjourné longtemps dans l'administration ne devraient pas être recrutés dans le cadre du détachement. Il faut du sang neuf, une nouvelle génération de cadres. Pourquoi ne pas recruter des compétences existant dans le secteur privé, par le biais de contrats? C'est une voie à suivre. Quels sont les chantiers que la Cour des Comptes doit attaquer? Il faut incontestablement que la Cour des Comptes mette son nez dans les dossiers ayant défrayé l'actualité. C'est le cas du CIH, de la BNDE… Les collectivités locales, elles aussi, doivent faire l'objet d'un intérêt particulier de la part de la Cour des Comptes. Le Parlement a dit qu'aucun rapport de la Cour ne lui a été soumis. Il faudrait savoir pourquoi il n'a pas demandé à consulter ces rapports.