L'appel a été entendu: les associations féminines ont marché dans les rues de Rabat dimanche. Au surplus, une marche créditée a priori de chances de succès depuis que la coalition civile pour l'application de l'article 19 y a invité de manière pressante, mais que les faits n'ont pas complètement confirmé. Un millier tout au plus. Beaucoup moins que ce à quoi s'attendait la coalition qui avait annoncé une dizaine de milliers de marcheuses. Mais peu importe. «Ce qui a de l'importance, c'est la présence. Car elle rend compte d'un ras-le bol», déclare une militante. Pourtant on a parlé de l'adhésion au projet de 500 à 700 associations et groupements. Tous nourriraient l'objectif de signifier au gouvernement qu'il y en a assez de le voir traîner les pieds dans sa mission d'appliquer les dispositions constitutionnelles relatives à l'égalité entre les hommes et les femmes et à la levée de toutes les discriminations qui «hypothèquent les droits et libertés de la moitié de la population». La coordinatrice nationale de la manifestation, Fouzia Assouli, présidente de la Fédération de la Ligue démocratique des droits des femmes, l'a déclaré clairement quelque temps avant le départ : la marche a quatre objectifs principaux: militer en faveur de la mise en œuvre de l'article 19, presser le gouvernement pour sortir des limbes la Haute autorité pour la parité des limbes, lutter plus efficacement contre la violence faite aux femmes, et dans un ordre plus général: réviser les différents codes et lois de manière à les rendre et plus porteurs d'égalité entre les sexes, et plus conformes aux conventions internationales adoptées. Ce dernier objectif pouvant être énoncé ainsi: «Il ne s'agit pas de militer seulement en faveur de l'application de l'article 19, mais aussi pour celle de l'article 164 et pour une plus grande fidélité à l'esprit du préambule de la Constitution». Car, et les marcheuses l'ont dit sur tous les tons: les choses urgent. «Depuis plus de deux ans qu'il est au commande, le gouvernement à dominante PJD n'excelle que dans les effets d'annoncé et dans l'art de se concerter avec ses propres organisations parallèles». Pour N. Armani, militante associative à Rabat, la condition de la femme s'est singulièrement détériorée depuis deux ans. «Le nombre des mariages des mineures qui était de 18.000 en 2011 est passé à plus de 39.000 en 2014, le pourcentage des analphabètes dans les rangs des femmes est de 65% dans le milieu rural et de 51% dans les villes, celui des femmes mortes en couche est devenu alarmant…». Selon cette militante: jamais la situation n'a été aussi sombre. «Ou alors comment expliquer que les femmes soulalyates n'aient pas les mêmes droits que les hommes?» Assouli partage cet émoi. Pour elle, la marche a également pour but de sensibiliser aux droits des femmes à l'éducation, à la santé et au travail… L'intention est bonne, l'exécution moins. A Bab El Had, il y avait moins de monde que n'en laissaient espérer la noblesse et la justesse de la cause. Les femmes étaient en nombre bien sûr. Mais aussi beaucoup d'hommes. Des curieux pour la plupart, et quelques militants défenseurs de l'égalité des droits. Une situation qui n'a pas laissé les organisatrices indifférentes. «C'est un coup d'essai. Nous promettons de faire mieux la prochaine fois. La lutte pour l'égalité des droits et la levée des discriminations sont un combat de longue haleine, vous savez. Vous ne pouvez pas espérer faire changer les mentalités, façonnées par des siècles de tradition, en quelques années. Il faut du temps et beaucoup de travail pour cela».