Le futur chef du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero, est connu par son tempérament calme et la constance de ses positions politiques. Il a eu l'occasion de montrer ses divergences avec le gouvernement d'Aznar lors de la crise de l'îlot Leïla. Portrait. L'outsider d'hier a été projeté par les explosions à la tête du gouvernement espagnol. Il y a une semaine, personne ne pariait un euro sur la victoire du parti de José Luis Zapatero. Les attentats de Madrid ont bouleversé la donne électorale. Le vainqueur des législatives en Espagne, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero, était quasiment inconnu avant son élection à la tête du parti socialiste (PSOE) en juillet 2000. Il avait bénéficié alors d'une âpre lutte interne au sein de ce parti Son côté gentleman avait rassuré les barons socialistes qui ont spéculé sur la courte durée de sa présence comme secrétaire général du PSOE. Pourtant, si José Luis Zapatero a une qualité, c'est bien le souffle long. Il ne se laisse pas porter par le circonstanciel, mais fatigue ses adversaires à l'usure. “C'est un boxeur qui se bat jusqu'au quinzième round, le genre à se mettre en difficulté dans les quatre premières reprises avant de prendre le dessus graduellement“, témoigne dans le quotidien “El Pais“ son ancien professeur de droit, Manuel Garcia. En politique, Zapatero n'est pas ce qu'on appelle un blanc-bec. Son engagement est peu banal. Rodriguez Zapatero le doit à la lecture des dernières volontés de son grand-père, républicain exécuté par un peloton franquiste durant la Guerre d'Espagne. A 16 ans, Zapatero adhère au PSOE. Il en gravit rapidement les échelons, après la victoire de Felipe Gonzalez en 1982. A tel point qu'il est devenu, en 1986, le plus jeune parlementaire espagnol à l'âge de 26 ans. Loin du cliché de l'Espagnol machiste, Jose Luis Rodriguez Zapatero, né le 4 août 1960 à Valladolid, est marié et père de deux enfants. Il n'abonde pas dans le sens des fanfaronnades dont sont coutumiers les Espagnols. Dans un pays fier de sa cuisine jusqu'à l'obsession, il avoue ne pas apprécier la gastronomie et ne jamais boire d'alcool. Il aime en revanche pêcher en silence dans les rivières de sa province natale du Leon, dans le nord-ouest de l'Espagne. Rodriguez Zapatero est aussi réputé pour sa tempérance – son style terne, dénoncent ses détracteurs. Ils lui reprochent son manque d'ascendant et ses réactions calmes qui s'expliquent par son penchant au compromis. Il a été critiqué à cet égard jusque dans ses propres rangs pour son manque d'agressivité à l'égard du Parti populaire au pouvoir. Ses collaborateurs disent ne l'avoir jamais vu en colère. Lui-même a confié récemment à la télévision que s'il croisait le chef de l'ETA dans une rue, il baisserait les yeux. Sérieux, réservé, voire pudique, Zapatero dissimule ses sentiments. Nombre de socialistes qui ont le sang chaud le trouvent trop “nordique“. D'autres disent qu'il manque de “relief“. A ce sujet, sa victoire de dimanche ne lui a pas fait perdre la tête. L'intéressé n'a pas manifesté d'enthousiasme. Un haut responsable du PSOE a déclaré après la victoire du parti de Rodriguez Zapatero : “Il est très serein, il a accueilli les résultats avec un calme étrange.“ Par ailleurs, l'inclination de l'intéressé à la négociation l'a fait coopérer avec le gouvernement conservateur en signant un accord conjoint s'apposant à la violence de l'ETA et s'engageant à ne pas utiliser les mesures antiterroristes à des fins partisanes. Le côté gentleman de l'intéressé, ainsi que sa politesse qui peut s'apparenter à une faiblesse lui ont valu alors le surnom de “Bambi“. Rodriguez Zapatero donne parfois l'impression d'évoluer dans un univers dont Disney serait le gentil démiurge. Avec lui, les loups ne mangent pas les agneaux. Ils pactisent. Mais l'homme n'est pas aussi naïf qu'il aime le paraître. Et pour preuve, Zapatero s'est démarqué de l'ancien gouvernement d'Aznar en prenant des positions radicalement opposées à celles du PP. Il s'est particulièrement illustré lors de la crise de l'îlot Leïla. Au plus fort du conflit, Zapatero s'était dissocié de la politique arrogamment offensive d'Aznar à l'encontre du Maroc. Il s'était rendu à notre pays pour montrer son désaccord avec la campagne agressive dont faisait l'objet le Maroc. Il avait été reçu à l'époque par SM le Roi Mohammed VI. Autre sujet de désaccord qui a permis au nouveau Premier espagnol de prendre ses marques : sa dénonciation de la gestion de la marée noire après le naufrage du pétrolier Prestige au large de la Galice et surtout son apposition à la guerre en Irak. C'est sur ce thème que le “socialiste tranquille“ s'est le plus illustré par sa ténacité. “Un désastre en violation du droit international“, disait-il contre la participation militaire de son pays dans les opérations de stabilisation de l'après-Saddam. Dans sa première intervention publique après les résultats de dimanche, il a précisé qu'il annoncerait le rappel des 1.300 militaires espagnols déployés en Irak depuis l'été 2003. L'homme aura été logique avec son discours. S'il fait preuve de la même constance dans la gestion des relations entre Maroc et l'Espagne, nos deux pays sont bien partis pour écrire une belle page de leur Histoire.